Jeudi à Marseille, les patronats de la Méditerranée parlaient presque le même langage. Plus de 3000 d'entre eux se sont retrouvés, pour les Med Business Days, au palais du Pharo, sur la baie de Marseille, afin de tenter de réaliser ensemble l'union pour la Méditerranée, dont le sommet des chefs d'Etat est prévu le 13 juillet à Paris. Leur credo : l'économie a fait l'Europe, elle fera l'union de la Méditerranée. Les patronats de la Méditerranée ont adopté, dans ce cadre, une déclaration commune, appelée « L'appel de Marseille », et dans lequel ils exhortent les chefs d'Etat de la région à mettre en œuvre « une stratégie économique forte et cohérente dont l'objectif est la liberté des échanges, la prospérité des peuples et la durabilité du patrimoine méditerranéen ». Ils demandent aux chefs d'Etat des pays de la Méditerranée et de l'Union européenne de fixer un agenda qui devrait déterminer, selon eux, les moyens pour accroître les échanges entre l'Union européenne et les pays de la Méditerranée de 10% par an, tripler les investissements étrangers directs d'ici 2020 et sécuriser un cadre réglementaire pour les investissements. Les patronats de l'Europe et des pays de la rive sud de la Méditerranée voient comme priorité, les partenariats consolidés en matière d'innovation, de formation et d'éducation, la création d'instruments financiers communs, une politique de grands projets, orientée vers les énergies et l'environnement et la création dès 2009, sous l'égide de la BEI, d'une agence privée publique pour soutenir des PME. Dans son intervention, Laurence Parisot, présidente de Medef, n'a pas caché son adhésion au projet phare de Sarkozy, en déclarant que « le Medef s'engage résolument au service de l'union pour la Méditerranée ». « La Méditerranée c'est à la fois une évidence, un miracle et une extrême modernité », dira-t-elle, n'omettant pas d'attirer l'attention des chefs d'Etat sur l'espérance de ce qu'elle a qualifié de « grande idée ». Elle a annoncé que 765 entreprises ont été inscrites dans le cadre des échanges nord- sud dont 500 françaises et 88 algériennes. Mme Parisot appelle à la mise en œuvre d'une « stratégie économique forte » et « une durabilité dans les échanges ». Elle exhorte les chefs d'Etat à fixer un agenda qui doit déterminer les moyens pour accroître les échanges entre l'UE et les pays de la rive sud et tripler les investissements directs pour sécuriser un cadre réglementaire favorable ainsi qu'une politique de grands projets orientés vers le développement durable. Elle demande également aux entreprises de s'impliquer pour accélérer l'union pour la Méditerranée, car, à ses yeux, « les entreprises sont le moteur de ce grand projet ». Peter Mandelson, commissaire européen au commerce, regrette que les échanges entre l'Europe et les pays de la rive sud soient au « niveau des plus faibles ». Son explication : « Les problèmes des entreprises européennes ne sont pas des barrières tarifaires, mais des barrières derrière les frontières. » « Si nous voulons développer des échanges, il faut cibler les barrières qui existent derrière les frontières », a-t-il estimé. Anne-Marie Idrac, secrétaire d'Etat chargée du commerce extérieur du gouvernement français, plaide pour sa part pour l'implication des PME, de la formation professionnelle et de l'éducation, car, de son avis, « il y a des millions d'emplois à créer au Sud ». De son côté, Philippe Fontaine Vive, vice-président de la Banque européenne d'investissement (BEI), estime qu'« il faut passer du concept de libre échange à celui de libre entreprise ». A ses yeux, l'enjeu est celui de la création de 22 millions d'emplois dans les pays du Sud dans les quinze prochaines années. Il évoque en filigrane 44 projets pour 60% de la pollution de la mer Méditerranée. Au sujet du financement des investissements, « le sommet de l'UPM doit se traduire par des choses plus concrètes », selon lui. Ainsi, il propose dans ce cadre d'inventer « des formes nouvelles de financement ». Philippe Fontaine Vive insiste aussi sur la création des agences de développement des PME. Pessimisme des patronats maghrébins Les patronats maghrébins abordent le projet de l'UMP avec pessimisme. Ils n'ont pas manqué d'évoquer en particulier les problèmes de circulation des biens et des personnes entre les deux rives et le financement des investissements dans la partie sud de la Méditerranée. Mais aussi les « conflits » qui fâchent certains pays maghrébins. Le président de l'Union maghrébine des employeurs de la Tunisie, Hédi Djilani, ne cache pas que « sur le marché sud-sud il y a des problèmes ». L'Europe, à ses yeux, doit regarder avec un peu plus de moyens vers le Sud. Le président de la Confédération générale des entrepreneurs algériens (CGEA), M. Yousfi, estime pour sa part qu'« il y a intérêt d'être lié dans la coopération avec l'Europe dans un cadre précis ». M. Yousfi relève « un aspect négatif » dans la participation européenne sur la rive sud. « L'Europe ne s'était pas intéressée à la rive sud, elle a aidé les pays de l'Est, ce qui a donné l'UE des 27 », regrette-t-il. A ses yeux, « c'est un peu tardif de s'y intéresser aux pays du Sud ». Pour lui, « il n'y a pas de vision claire en matière de financement ». « C'est vrai que l'agenda de Marseille prévoit le triplement des investissements étrangers directs, mais les financements viendront-ils de l'UE ou des entreprises privées ? », s'est-il interrogé. Il met en avant les « différends » qui caractérisent les pays maghrébins, en estimant qu'« on ne peut développer des échanges que dans le cadre de la réduction des foyers de tension ». « L'appel qui a été signé, selon lui, est destiné aux politiques pour prendre en compte l'entreprise. » Le président de la CGEM (Confédération générale des entreprises marocaines), Moulay Hafid Elalamy, a appelé à dépasser « les clivages politiques ». Optimiste, il estime que « l'économie primera malgré les différends qui existent ». Aux chefs d'Etat de prendre en compte les messages des patronats lors du sommet pour l'UPM le 13 juillet.