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L'ombre des sans-papiers
La légitimité révolutionnaire dans le roman algérien
Publié dans El Watan le 16 - 12 - 2004

Rachid Mimouni et Rachid Boudjedra ont posé la problématique si actuelle du rapport à l'histoire dans leurs travaux romanesques.
Il ne fait pas de doute que nous ayons besoin de notre histoire. Mais laquelle et pourquoi ? L'Antiquité, certainement pas, pas plus que celle d'un âge moyen... Un grand trou noir avant la trouée de lumière : la guerre de notre libération. Beau titre, beau programme avec lequel je suis d'accord parce que le film est généralement bon quand il traite un sujet qui a une valeur universelle, par-delà la référence immédiate. Imaginez un peuple qui décide de se mettre debout, après un siècle d'outrages, de patience exploitée, d'espérance bafouée. Un 1er Novembre 1954, la revanche sur un siècle de déshonneur commençait enfin à se manger comme un plat trop longtemps réchauffé par nos marches à l'ombre tandis que d'autres, la race forte des « petits blancs », des « pieds-noirs » plus ou moins grands, se gavaient de soleil, tels des dieux vivants. Jamais plat n'aura mérité autant son appellation de résistance, résistance armée débouchant sur la victoire. Oui, nous avons besoin de cette histoire, mais il faut savoir la raconter. Bonne élève, je me suis mise à la table des écrivains qui nous racontent notre histoire, avec en tête, l'idée que tout cela n'était que de la littérature. Pourtant, plus je les écoutais, plus je tenais bon. Les personnages avaient beau être des êtres de papier, le papier me semblait bon.
Le fils de l'anonyme
Le premier homme n'a pas de nom. Il exerce le métier de cordonnier. Un jour, trois hommes en kachabias et armés de fusils pénètrent dans son échoppe et l'observent en appréciant son travail. Ils finissent par solliciter ses services. Là-haut, dans la montagne, on a besoin de lui. Les pataugas ne sont plus en vente libre depuis le 1er Novembre 1954, depuis qu'on s'est aperçu que là-haut il y avait des hommes qui marchaient, de plus en plus nombreux. Il fallait donc entretenir les chaussures qui parcouraient la montagne, et on comptait sur le coup de main du bon cordonnier. Notre homme n'hésite pas longtemps, il monte là-haut pour assurer au maquis une longue marche. Les chaussures tiennent bon jusqu'au jour où le camp des maquisards est bombardé, ne laissant sur place qu'un rescapé : notre cordonnier qui a perdu la mémoire. Lorsqu'il la retrouve, l'Algérie est indépendante et lui, il est et restera un homme mort. Porté disparu à l'état civil, il reste un disparu dans le monde des vivants, un mort dont la femme touche la pension de chahid. Il finit tout de même par retrouver son fils qui lui dit : « Tu n'es pas mon père. Je n'ai pas de père. Mon père est mort il y a bien longtemps. Nous sommes ainsi des milliers à traîner dans les rues, orphelins sans passé et sans mémoire, confrontés au plus total désarroi. » Ce face à face douloureux entre un père et un fils se passe après l'indépendance dans un pays ravagé par les oiseaux, où ne pousse qu'une jeunesse déboussolée. Quelle histoire raconter à nos milliers d'enfants ? Qu'avons-nous fait pour eux ? Suffit-il d'apparaître après une longue absence pour se faire entendre en méritant le statut du père ? Rachid Mimouni répond : non. Non à la légitimité qui use de l'artifice parental, qui joue faussement sur la fibre paternelle. Dans Le Fleuve détourné, l'écrivain fera boire jusqu'à la lie sa condition infernale à l'ancien moudjahid qui a fini de vivre au moment exact où il espérait voir vivre son pays. Le constat de naissance s'annule avec une paternité usurpée, irresponsable, peu soucieuse du contrat qui oblige un père à prendre soin de son enfant, à le faire vivre et grandir comme un beau plant d'arbre, nourri par la sève nourricière de la mémoire.
Les ports veillent et protègent
Dans Le Démantèlement de Rachid Boudjedra, Tahar El Ghomri est vieux et malade. L'ancien moudjahid vit seul, dans une cabane isolée, en dehors de la ville livrée à la concupiscence. Il ne possède rien, rien d'autre qu'une photographie qui lui rappelle le combat dans le maquis. Le tableau n'est pas brillant, faisant hurler le décalage entre la photo du souvenir et de mort pour rien, et la réalité d'aujourd'hui bien en chair pour les vivants profiteurs de tous bords. Tahar El Ghomri n'a plus rien, pas même une carte d'identité. Rien qu'une photo, celle de ses compagnons morts exécutés au maquis, une photo au chevet de sa survie, une photo au-dessus de son lit de mort. Les morts veillent et protègent de leur ombre Si Tahar qui meurt, seul, dans sa cabane, sans rien, juste un lambeau de passé bistre qui s'efface avec le temps. Il meurt en laissant derrière lui une jeune femme, Selma, qui n'est pas sa fille. Tout comme le fils de l'anonyme, la Selma du Démantèlement est remplie de colère. Superbe d'insolence, elle demande des comptes à l'ancien moudjahid qui n'a pas su être l'avant-garde espérée. Jeune, elle règle ses comptes avec notre histoire de vieux combattants qui solde la vérité au prix de la vérité des papiers. Selma nous règle notre compte et notre passé. C'est quoi ces combats d'arrière-garde, nous dit-elle ? Qu'avez-vous fait de vos cinquante ans et plus ? Selma est seule. Elle a trouvé des feuilles de papier jauni, un manuscrit laissé par Tahar El Ghomri dans sa cabane. Elle entend une voix d'outre-tombe : « Selma, ma fille, lis et médite. Tu trouveras ici quelques bribes de vérité sur la fratrie fratricide, les erreurs, les errements, les illusions et les espérances. Lis et médite, ma fille, à l'ombre de mon ombre. Sans papiers, je te lègue le doute qui permet de penser l'avenir. » Selma écoute. Demain, elle en parlera au fils de l'anonyme.


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