L'ambassadeur français, Bernard Bajolet, a, dans un discours à l'occasion du 14 Juillet, fête nationale française, déclaré hier qu' Alger et Paris ont « perdu beaucoup de temps, trop de temps, qu'il faut rattraper ». Devant les invités du 14 Juillet, l'ambassadeur français a poursuivi : « Ce jour de célébration de notre fête nationale est pour nous l'occasion d'un questionnement, car comment la République a-t-elle pu perdre de vue pendant les 132 ans de sa présence en Algérie les valeurs fondatrices de liberté, d'égalité et de fraternité qu'elle a fait rayonner ailleurs dans le monde depuis plus de deux siècles ? » M. Bajolet a précisé que, pour son pays, « il ne s'agit pas de verser dans la repentance ni l'autoflagellation, mais de faire preuve d'honnêteté pour le passé, de lucidité pour le présent et de vigilance pour l'avenir ». « Nous devons poursuivre nos efforts avec ténacité, sans nous laisser impressionner par la surenchère de ceux qui, de part et d'autre de la Méditerranée, ne souhaitent en réalité pas les voir aboutir, de crainte que ne disparaisse un fonds de commerce si aisé à exploiter », a poursuivi le diplomate. La relation entre l'Algérie et la France, à ses yeux, « a été soudée pour le meilleur et pour le pire, par le sang et les larmes, le sang que des milliers d'Algériens ont versé pour notre liberté pendant les deux guerres mondiales, le sang de l'injustice versé par tant d'Algériens pendant la période coloniale, puis celui de la dignité qu'il leur a fallu reconquérir, mais aussi le sang des soldats français versé pour une cause qui n'était pas la leur, les larmes des milliers de pieds-noirs arrachés à la terre qui les avait vu naître, qu'ils aimaient et qu'ils avaient travaillée avec tant d'ardeur ». « Des gestes audacieux ont été faits en ce sens du côté français, en particulier avec le discours prononcé le 5 décembre 2007 par le président Sarkozy à Constantine, la remise des plans de pose de mines, intervenue bien tardivement, il est vrai, mais accompagnée d'autres engagements dans ce domaine, des propositions de coopération en matière d'archives, la remise des archives audiovisuelles de l'INA, qui sera suivie de celle des archives audiovisuelles de l'armée française. D'autres avancées dans ces domaines sensibles font actuellement l'objet de discussions », a encore précisé le diplomate. Rappelant les réalisations de la coopération algéro-française, M. Bajolet a insisté sur le fait qu'il faut « maintenant aller plus loin », énumérant les projets bilatéraux à venir, notamment relatifs à la formation de cadres, à la création de nouveaux pôles d'excellence franco-algériens, à l'encouragement des investissements français, etc. « Un autre grand chantier à peine ouvert, mais qu'il faudra mener à bien, est celui des conditions de séjour et de circulation entre nos deux pays, dont nous connaissons bien l'importance et la sensibilité, des deux côtés de la Méditerranée », a-t-il relevé. « La France y travaillera dans un esprit à la fois d'ouverture et de réciprocité. Ainsi, le maintien du principe d'un régime dérogatoire pour les Algériens séjournant en France, principe qui ne doit pas empêcher les adaptations nécessaires, justifie l'élaboration d'un régime dérogatoire pour les Français qui viennent travailler en Algérie. De même, l'octroi généreux par nos consulats de visas de circulation, qui représentent désormais le tiers du total, appelle des mesures dans le même sens du côté algérien. Je suis désormais confiant après le vote par le Parlement algérien d'une loi autorisant l'octroi de visas de circulation », a déclaré l'ambassadeur français. Evoquant son prochain départ pour Paris, où il a été nommé par l'Elysée coordinateur des services de renseignements auprès du président français, Bernard Bajolet a reconnu que sa mission à Alger reste « inachevée par rapport aux objectifs » qu'il s'était fixés et que le président Nicolas Sarkozy lui avait fixés. « Je suis assuré qu'elle sera poursuivie par mon successeur, qui prendra ses fonctions à la mi-septembre : en effet, la voie a été tracée au plus haut niveau depuis l'élection du président de la République », a-t-il dit. M. Bajolet sera remplacé à la tête de l'ambassade de France à Alger à la mi-septembre 2008 par Xavier Driencourt, 54 ans, directeur général de l'administration du ministère français des Affaires étrangères.