Sans doute moins médiatisé que le retrait shakespearien de Patrick Poivre d'Arvor de TF1, celui du danseur Kader Belarbi, dimanche dernier, n'en a pas moins été un évènement. Un quart d'heure de standing ovation sous une pluie de confettis à l'Opéra Bastille de Paris, d'innombrables articles et images, des hommages venus du monde entier. Les danseurs partagent le sort des sportifs et des pêcheurs de perles. Carrières lumineuses mais retraites anticipées. A 45 ans, l'artiste émérite se retire de la scène. Remarqué par le mythique Noureev, il avait atteint en 1989 le firmament de sa discipline en devenant danseur étoile. Couvert de distinctions, reconnu comme une des valeurs les plus sûres de son art, participant à une dizaine de créations mondiales, qui aurait pu prévoir pareille trajectoire à cet enfant né en 1962 dans cette banlieue de Grenoble au nom improbable de La Tronche, d'un père algérien et d'une mère autochtone ? De ses liens avec ses origines, cette phrase de 1995 : « Mon père me racontait l'Algérie comme un conte de fées, alors qu'il est écorché depuis longtemps ». C'était après avoir interprété « Sélim », une chorégraphie montée sur les chants de la merveilleuse artiste algérienne Houria Aïchi, collaboration qui devait être reprise durant l'Année de l'Algérie en France. Mais, annoncé plusieurs fois, le spectacle qu'il concoctait à l'occasion ne vit pas le jour. La même année, 2003, il apparut parmi les personnalités accompagnant Chirac en visite en Algérie, aux côtés d'ailleurs de Cheb Mami. Dans tout cela, toujours, son humilité et sa dignité : « « Je n'ai jamais eu de souci à cause de mes origines, mais je ne les renie pas, même si je n'ai pas mené un combat pour l'intégration. Bien sûr, j'ai subi des vexations et des commentaires du genre : Il danse pas mal pour un raton. C'est indélicat, mais j'ai réussi à imposer ma personnalité. Je suis français, étoile de la première troupe nationale, n'en déplaise à ceux pour qui Kader n'est pas un prénom de bon ton. » Aujourd'hui, c'est de derrière les rideaux qu'il suivra la danse en se consacrant pleinement à sa nouvelle carrière de formateur et de chorégraphe, d'ailleurs commencée avec des créations remarquables. Lors de la coupe du Monde de rugby, un milliard de téléspectateurs ont pu suivre en direct la cérémonie d'ouverture qu'il avait chorégraphiée avec 350 danseurs, des automates et des effets spectaculaires. La machine du prochain Festival panafricain d'Alger vient d'être enclenchée. Pourquoi ne ferait-on pas appel à lui pour concevoir et diriger un spectacle de classe internationale qui attirerait le regard du monde sur la culture africaine et l'Algérie ? Quelque chose de grand, de beau et de fort qui donnerait encore plus de « bon ton » à son beau prénom. Madame la ministre, je vous écris ce fronton pour vous demander de…