L'élection, hier, du secrétariat national de l'UGTA par les membres de la commission exécutive nationale issue du dernier congrès de la centrale syndicale, tenue en avril dernier, est présentée par les médias comme l'occasion d'un rééquilibrage des forces entre les différents clans qui s'affrontent pour le contrôle des leviers de commande de l'UGTA. La crise, latente depuis quelque temps, avait éclaté au grand jour durant le congrès avec la mise en quarantaine des partisans de Salah Djenouhat et la marginalisation de ce groupe dans les instances dirigeantes de l'UGTA. Bien que pour l'élection d'hier, le nouveau secrétariat national l'UGTA se soit engagé pour la première fois de son existence dans la voie d'une élection « démocratique » en optant pour un scrutin à bulletins secrets, contrairement à la tradition de la désignation par consensus, personne ne se faisait d'illusion sur l'issue de ce scrutin. Le fait d'avoir attendu quatre longs mois avant de procéder à l'élection de cet organe-clé des structures de fonctionnement de l'UGTA renseigne sur les tractations serrées et les manœuvres de coulisses auxquelles se sont livrés les partisans de Sidi Saïd, le secrétaire général de l'UGTA, pour régler comme du papier à musique l'élection du secrétariat exécutif national. Le patron de l'UGTA ne se serait jamais aventuré à aller aux urnes s'il n'avait pas tous les atouts en main pour éviter que « l'opposition », ou ce qui est pompeusement présentée comme telle par certains analystes, laminée lors du dernier congrès, ne relève la tête en forçant les portes de la forteresse du secrétariat exécutif national où siègent traditionnellement les hommes de confiance du secrétaire général et des clans influents de l'UGTA. Les formes démocratiques réunies en apparence pour ce scrutin sans enjeu et joué à l'avance, comme le confirment les résultats qui confortent le pouvoir de Sidi Saïd et les rééquilibrages opérés lors du dernier congrès, ne sauraient éluder le débat de fond qui n'a jamais véritablement été au centre des préoccupations des dirigeants de l'UGTA, au-delà de leurs sensibilités partisanes : celui de l'indépendance réelle de l'Ugta par rapport au pouvoir. Officiellement, en vertu de ses textes fondamentaux, cette organisation syndicale revendique son autonomie et proclame haut et fort qu'elle n'a aucun fil à la patte et qu'elle n'a de compte à rendre qu'aux travailleurs et aux syndicalistes. Cependant, dans la réalité, les positions de l'UGTA, que ce soit sur des questions strictement syndicales ou sur des événements de portée nationale, trahissent invariablement un alignement aveugle de l'organisation sur les décisions et les thèses du pouvoir. Il est quand même étonnant que l'UGTA n'ait trouvé que du bon dans toutes les mesures édictées par l'Exécutif et le pouvoir de manière générale, mêmes les plus impopulaires qui devraient logiquement faire réagir avec vigueur et fermeté le syndicaliste le plus compromis. Que peut-on attendre d'un syndicat qui se transforme en comité de soutien au pouvoir, qui ne respecte pas les sensibilités plurielles de sa base syndicale, qui est plus présent sur le terrain politique que sur le front des luttes syndicales dont c'est la vocation essentielle et exclusive ? Jusqu'ici, l'UGTA n'a jamais véritablement affiché une volonté réelle de se réformer et de revenir aux sources du militantisme syndical qui place le travailleur au cœur de l'action syndicale. Aujourd'hui, l'UGTA continue à tirer sa « puissance » non pas de sa base syndicale, mais de son allégeance au pouvoir.