Les troupes gouvernementales syriennes ont bombardé mardi plusieurs villes du pays malgré la présence d'observateurs de l'ONU chargés d'évaluer le respect du cessez-le-feu, suscitant les craintes de la communauté internationale sur l'avenir de la mission. A Paris, une cinquantaine de pays et d'organisations, membres d'un groupe chargé du suivi des sanctions contre la Syrie, ont appelé les milieux d'affaires à rompre avec le régime de Bachar al-Assad et dénoncé les ventes d'armes à la Syrie, allusion à la Russie. Au moins sept civils ont péri dans le pays en dépit d'un cessez-le-feu entré en vigueur jeudi 12 avril, conformément au plan de paix de l'émissaire international Kofi Annan, a rapporté l'Observatoire syrien des droits de l'Homme (OSDH). Quatre civils ont été tués par les forces gouvernementales dans la région d'Idleb (nord-ouest), et trois ont péri dans la province de Deraa (sud) dans des bombardements sur la localité de Basr al-Harir, selon l'organisation. Cette localité et la région d'al-Loujat, où sont retranchés des centaines de déserteurs, ont été visés par des "tirs à la mitrailleuse lourde et des bombardements", selon les Comités locaux de coordination (LCC), qui animent la mobilisation sur le terrain. Le cessez-le-feu semblait ainsi de plus en plus fragile, faisant douter les pays occidentaux de la volonté du président syrien d'appliquer le plan Annan. Depuis le début de la révolte populaire contre son régime en mars 2011, plus de 11.100 personnes ont été tuées dans les violences, selon l'OSDH. Dans ce contexte, les observateurs, au nombre de huit désormais, poursuivaient leur mission pour la deuxième journée. "Les voitures des observateurs sont arrivées à Deraa, accompagnées des véhicules de l'armée", ont indiqué les LCC. Le colonel Ahmed Himmiche, qui dirige la délégation, n'a pas caché que sa mission était "difficile". L'avenir de cette mission pourrait être compromis selon des diplomates à New York, car les observateurs n'ont pas encore obtenu l'accord du gouvernement syrien sur un "protocole" leur permettant de circuler dans tout le pays. Si la situation ne se débloque pas avant la fin de la semaine, "nous ne passerons pas à l'étape suivante qui est d'autoriser la mission complète (de 250 hommes environ) à se déployer", a affirmé un diplomate du Conseil de sécurité. Le Conseil doit adopter une nouvelle résolution pour autoriser ce déploiement complet. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon doit rendre compte mercredi au Conseil du travail des premiers observateurs, et le médiateur de l'ONU et de la Ligue arabe Kofi Annan doit s'adresser au Conseil de sécurité avant la fin de la semaine. Ban Ki-moon a exhorté Damas à garantir une liberté totale de mouvement aux observateurs, et mentionné des besoins en avions et hélicoptères pour leur transport. L'Union européenne s'est dite prête à fournir tout le soutien matériel nécessaire à la mission d'observateurs. Le Conseil national syrien (CNS), principale coalition de l'opposition, a accusé le régime de procéder à des "violations flagrantes du cessez-le-feu" et appelé les observateurs à "se rendre tout de suite à Idleb et à Homs pour qu'ils découvrent (...) les tueries que le régime n'a jamais cessé de commettre". Les Etats-Unis ont estimé de leur côté que la poursuite des violences était "inacceptable" et demandé au président Assad de faire davantage pour mettre en oeuvre le plan Annan. Le Premier ministre du Qatar, cheikh Hamad Ben Jassam Al-Thani, a lui déploré l'absence d'un "changement crucial" dans l'attitude de Damas, craignant "des tergiversations dans l'application" du plan. La presse qatarie, proche des autorités, a appelé à une intervention militaire arabe en Syrie. Le ministre russe des Affaires étrangères, Sergueï Lavrov, a reconnu que le cessez-le-feu était "fragile" et estimé, sans les nommer, que "certains" pays souhaitaient un échec du plan Annan. La Russie --qui a bloqué des résolutions au Conseil de sécurité de l'ONU condamnant la répression-- dénonce régulièrement le soutien d'Etats occidentaux et arabes à l'opposition armée. Réunis à Paris, une cinquantaine de pays et d'organisations, dont l'Union européenne, les Etats-Unis, le Canada, la Ligue arabe et la Turquie, ont de leur côté exprimé leur "ferme désapprobation de tout soutien financier ou autre, et en particulier la poursuite des ventes d'armes au régime syrien", dont la Russie est le principal fournisseur d'armes. A cette occasion, le chef de la diplomatie française, Alain Juppé, a plaidé pour un renforcement des sanctions contre Damas. Par ailleurs, la France a invité une dizaine de ministres des Affaires étrangères à participer à une réunion jeudi à Paris pour évoquer la situation en Syrie et "maintenir la pression" sur Damas, a indiqué une source gouvernementale. La Secrétaire d'Etat américaine Hillary Clinton a prévu d'assister aux entretiens de Paris, a indiqué mercredi un responsable du Département d'Etat. "Nous attendons maintenant que cette réunion se tienne et elle (Mme Clinton) sera là", a indiqué ce responsable à la presse au cours d'une escale technique de l'avion à Las Palmas (Canaries) sur la route de Brasilia à Bruxelles où se tient une réunion des ministres de la Défense et des Affaires étrangères de l'Otan.