Devant une assistance tantôt étonnée, tantôt amusée, mais toujours émue, une vieille dame, Rokkeya, dont la famille soutient qu'elle est âgée de 130 ans, a tenu à se déplacer jeudi pour accomplir son devoir électoral. Elle a constitué la principale attraction de la matinée dans la localité de Tadjenanet (Mila), plus exactement au centre de vote "Kacem Ourida" où elle est arrivée sur un fauteuil roulant, soutenue par plusieurs de ses descendants, pour, dit-elle d'une voix chevrotante, "servir (son) pays". Cette vieille dame, Torkia Zebbiche de son vrai nom, exhibe fièrement un document d'état-civil attestant noir sur blanc, sous le numéro 0377, qu'elle était âgée de 13 ans en 1892. Toujours alerte, Torkia Zebbiche est donc née aux alentours de l'année 1879, ce qui ferait d'elle la doyenne des Algériens, mais une doyenne jusque-là ignorée en tant que telle. Au sortir de l'isoloir, après avoir délicatement introduit une enveloppe dans l'urne sous le regard attendri des fonctionnaires encadrant le bureau, Torkia lève ses petites mains sèches et noueuses comme des sarments de vigne dans un geste de prière et, levant ses yeux vers le ciel, elle prie d'une petite voix pour "la prospérité et le bien pour l'Algérie". Un des ses arrière-petits-enfants assure que malgré son âge, elle a "absolument tenu à se déplacer elle-même pour accomplir son devoir". En dépit de quelques pertes de mémoire, elle a encore "l'esprit vif", assure de son côté le médecin de famille, le Dr. Abdallah Sedrati. Cette aïeule qui ne déparerait pas dans le livre "Guinness" des records, s'est prêtée de bonne grâce à bon nombre d'interviews dans le bureau de vote avant de pousser la chansonnette pour interpréter d'une voix étonnante de clarté un des morceaux du patrimoine de la région. L'acte de cette vieille dame, dont la descendance, entre enfants, petits-enfants et arrière-petits enfants s'élève à 174 personnes, est la meilleure façon de montrer qu'elle porte l'Algérie au coeur. Elle souhaite simplement que son geste puisse servir d'exemple aux plus jeunes qui n'ont, dit-elle, "d'autre patrie que le pays qui les a vus naître.