Les Egyptiens étaient appelés à manifester vendredi après-midi contre le président islamiste Mohamed Morsi, au lendemain d'un engagement de toute la classe politique à empêcher la violence, après les affrontements qui ont fait des dizaines de morts en une semaine. Des rassemblements sont prévus sur la place Tahrir, dans le centre du Caire, en banlieue devant le palais présidentiel d'Héliopolis, ainsi qu'en province, à l'appel notamment du Front du salut national (FSN), principale coalition de l'opposition. Le FSN réclame la fin de la "monopolisation" du pouvoir par les Frères musulmans dont est issu M. Morsi, avec la mise en place d'un gouvernement de salut national, une révision de la Constitution ou encore le départ du procureur général nommé par le chef de l'Etat. "Sans la satisfaction de ces revendications, aucun dialogue politique ne sera fructueux", affirme le FSN dans un communiqué. Cet appel à manifester survient après un engagement la veille des principales forces politiques, au pouvoir comme dans l'opposition, à prévenir les violences qui ont coûté la vie à 56 personnes au moins ces derniers jours. Dans un document signé au terme de la réunion sous l'égide de l'institution sunnite Al-Azhar, les participants ont dénoncé "toute incitation à la violence". Ils ont également souligné "la responsabilité de l'Etat et de son appareil sécuritaire de protéger les citoyens". Les manifestations de vendredi pourraient s'avérer un test de la capacité de l'opposition à mobiliser, ainsi qu'un moment de vérité pour voir si l'appel à faire cesser la violence dans la rue est respecté. L'un des ténors de l'opposition, l'ancien chef de la Ligue arabe Amr Moussa, a plaidé pour des manifestations "pacifiques" vendredi. "Nous ne voulons pas d'une effusion de sang, ni de destructions. Nous voulons la liberté d'expression, nous voulons la démocratie", a poursuivi M. Moussa. Malgré les promesses d'apaisement de la classe politique, une partie de la presse était sceptique sur les chances d'amorcer un véritable dialogue susceptible de réconcilier un pays profondément divisé. "Même s'il y a un dialogue, ce sera un dialogue de sourds entre le camp de ceux qui gouvernent et ceux qui refusent son autorité. Les premiers se fondent sur leur légitimité (issue de l'élection de M. Morsi en juin), et les seconds menacent d'embraser le pays", écrit le quotidien gouvernemental al-Ahram. L'opposition accuse M. Morsi et les Frères musulmans de chercher à accaparer le pouvoir et de privilégier leur idéologie islamiste au détriment de l'intérêt général. M. Morsi est également accusé d'échouer à faire face à la grave crise économique que traverse le pays, qui connaît une chute critique de ses réserves de devises, une baisse de la valeur de la monnaie nationale et une envolée de son déficit budgétaire. Les affrontements qui avaient débuté le 24 janvier au soir, à la veille du deuxième anniversaire du début soulèvement populaire contre Hosni Moubarak, ont été particulièrement meurtriers au Caire, ainsi que dans la région du canal de Suez. La condamnation à mort samedi de 21 supporteurs du club de football de Port-Saïd, Al-Masry, impliqués dans des heurts meurtriers en 2012 à l'issue d'un match contre le club cairote d'Al-Ahly, a provoqué des émeutes et des affrontements qui ont fait plus de 40 morts dans cette ville située sur le canal. Ce drame du football, le pire jamais enregistré en Egypte et l'un des plus meurtriers dans le monde, s'était produit il y a un an jour pour jour, le 1er février 2012.