Moscou critiqué pour ses livraisons d'armes à la Syrie, Paris raillé pour son manque de vision stratégique: la France et la Russie multiplient les piques ces derniers temps, mais en dépit de réelles crispations, la relation reste forte et marquée par le pragmatisme. Exemple récent: les passes d'armes entre les chefs de la diplomatie russe et française. Dimanche 10 février, Sergueï Lavrov ironise sur le fait qu'"au Mali, la France lutte contre ceux qu'elle avait armés en Libye", et se dit "accablé" par l'absence de vision stratégique des Occidentaux vis-à-vis des printemps arabes. Deux jours plus tard, Laurent Fabius réplique sur le terrain syrien: "Il y a beaucoup trop d'armes en Syrie et on sait d'où elles viennent", dit-il, visant évidemment les livraisons d'armes russes au régime de Damas. "Il n'y a rien de personnel, mais c'est vrai qu'en ce moment il y a un certain... climat", commente une source au Quai d'Orsay. La Syrie reste le gros point de crispation. "Il y a une vraie incompréhension politique" entre Russes et Occidentaux, mais particulièrement avec Paris, estime Philippe Migault, chercheur à l'IRIS (Institut des relations internationales et stratégiques). "Ils jugent incohérente la position de la France, qui va d'un côté combattre les jihadistes au Mali - ce qu'ils approuvent - et qui s'est beaucoup avancée de l'autre dans son soutien à l'opposition syrienne" où combattent des islamistes radicaux. Au cours des derniers mois, les sujets d'irritation n'ont pas manqué: soutien de Paris au Pussy Riot, le groupe de femmes russes condamné à deux ans de camp pour avoir chanté une "prière punk" dans une cathédrale de Moscou, et accueil triomphal en Russie réservé à l'acteur et exilé fiscal français Gérard Depardieu, qui s'est vu octroyer la nationalité russe. Début février, les autorités russes ont enfoncé le clou en refusant d'accorder un visa à la nouvelle directrice d'un centre de recherche français à Moscou, sans explication.