La Tunisie était toujours dans l'incertitude dimanche, avant la reprise lundi des tractations sur la formation d'un gouvernement de technocrates sur fond de bras de fer entre le Premier ministre et son parti islamiste, Ennahda, qui refuse de céder le pouvoir. Rached Ghannouchi, chef d'Ennahda, l'a proclamé haut et fort samedi devant quelque 15.000 partisans. Le parti n'est pas prêt à céder le pouvoir, a-t-il déclaré, contredisant une nouvelle fois le Premier ministre Hamadi Jebali, numéro 2 du parti qui dirige le gouvernement de coalition. "Rassurez-vous, Ennahda se porte bien (...) et ne cèdera jamais le pouvoir tant qu'il bénéficie de la confiance du peuple et de la légitimité des urnes", a clamé M. Ghannouchi à la fin d'une manifestation de ses partisans sur l'avenue Bourguiba, dans le centre de Tunis. La manifestation, voulue comme une démonstration de force face aux adversaires d'Ennahda qui lui reprochent d'avoir plongé le pays dans la crise, a finalement réuni moins de monde que les funérailles le 8 février de l'opposant de gauche Chokri Belaïd, assassiné deux jours plus tôt. La rédaction d'une nouvelle Constitution est en panne, l'économie en berne et la montée des salafistes jihadistes fait craindre des violences dans le pays par ailleurs affecté par une grogne sociale généralisée. Le meurtre de Chokri Belaïd, un assassinat politique sans précédent depuis la révolution, a aggravé la crise latente dans le pays où un remaniement ministériel était en gestation depuis sept mois, sans résultat, Ennahda ne voulant pas céder les ministères régaliens de l'Intérieur, des Affaires étrangères et de la Justice. Ghannouchi a retourné l'accusation contre les adversaires d'Ennahda en affirmant que ce n'est pas sa gestion des affaires qui est à l'origine des difficultés du pays mais les obstructions de l'oppoition. Selon lui, Ennahda est l'objet depuis son arrivée au pouvoir, il y a un peu plus d'un an, d'une "série de complots qui ont culminé avec la proposition d'un gouvernement de technocrates (...) ce qui équivaut à un coup d'Etat contre le gouvernement élu". "Ennahda est la colonne vertébrale de la Tunisie et la briser ou l'exclure porterait atteinte à l'unité nationale du pays", a-t-il martelé. Il a dénoncé des tentatives de diaboliser son parti et de le dépeindre comme "hostile aux libertés, à la démocratie, et aux droits des femmes". La presse de dimanche a souligné le climat d'incertitude politique, n'excluant pas l'échec de la démarche de M. Jebali qui a mis sa démission dans la balance au cas où sa proposition d'un gouvernement de technocrates n'était pas acceptée par les partis politiques. "Il y a fort à craindre que cette initiative, appuyée par une large partie de la l'opposition et de l'opinion publique, soit enterrée demain, marquant l'entrée du pays dans un nouveau cycle de tiraillements, de tractations et de calculs partisans", écrit le quotidien Le Temps. "On ne voit pas comment (le Premier ministre Hamadi Jebali) pourrait renverser la vapeur et infléchir la position de son parti et de ses alliés", ajoute-t-il. Revenant sur l'optimisme mesuré affiché par M. Jebali à l'annonce vendredi de la prolongation des discussions avec les principaux partis politiques, La Presse souligne que "les bonnes intentions (de ces partis) doivent être suivies d'actions concrètes et d'une volonté partagée de consentir des concessions de la part des uns et des autres". Une conviction défendue par Essabah, quotidien de langue arabe, qui y voit "une nécessité nationale". "La nature de la crise actuelle et ses retombées possibles nécessitent de rompre avec les calculs partisans et de rechercher le consensus national", souligne le quotidien.