Le Premier ministre tunisien Hamadi Jebali devait procéder, hier, à d'ultimes consultations pour former un cabinet apolitique, contre l'avis de son parti islamiste, après avoir promis de partir en cas d'échec alors que le pays connaît sa plus grave crise depuis la révolution. Il doit recevoir à partir de 16h (15h GMT), dans un palais de Carthage, en banlieue de Tunis, les dirigeants des partis pour leur présenter la composition de ce gouvernement sans personnalités politiques auquel il travaille depuis le 6 février, jour de l'assassinat retentissant de l'opposant Chokri Belaïd. M. Jebali a d'ores et déjà indiqué que s'il n'obtenait pas le soutien de la classe politique, il démissionnerait samedi, quatorze mois après son arrivée au pouvoir. Son propre parti Ennahda, le Congrès pour la République (CPR, laïque) du président Moncef Marzouki et deux autres petites formations politiques ont promis de s'y opposer, demandant un cabinet alliant politiques et technocrates. Si les députés de ces mouvements restent solidaires de leurs directions, ils disposent d'une majorité suffisante pour censurer à l'Assemblée nationale constituante (ANC) M. Jebali. Ce dernier peut se targuer du soutien de l'opposition laïque, des organisations syndicale et patronale ainsi que d'une large part de la société civile pour qui l'initiative Jebali est la seule solution pour stabiliser le pays, deux ans après la révolution qui a renversé Zine El Abidine Ben Ali. Ennahda a de son côté prévu une vaste manifestation samedi après-midi à Tunis pour défendre sa «légitimité» à gouverner le pays, un mot d'ordre clairement destiné à désavouer le Premier ministre et n°2 du parti, un modéré en conflit avec sa direction dominée par les radicaux. Les journaux tunisiens militaient hier matin pour une sortie de crise au plus vite, la Tunisie, déjà déchirée depuis des mois par des conflits sociaux et politiques à répétition, étant paralysé par l'incertitude actuelle. Sous le titre «Journée charnière», le quotidien La Presse espère une sortie rapide de la crise. «Notre espoir est que la voix de la raison et du consensus sortira triomphante», écrit ce journal francophone. Essabah, de langue arabe, souligne que l'initiative de M. Jebali serait de nature à «redessiner la carte politique du pays et redéfinir ses priorités, notamment celle de sauver son économie qui s'écroule». Enfin Le Quotidien considère que «le Premier ministre a pris une décision courageuse» car un «gouvernement de technocrates réduit au strict minimum (est nécessaire) pour conduire le pays à bon port». Parallèlement, les proches de Chokri Belaïd assassiné le 6 février prévoient samedi deux cérémonies à sa mémoire, alors qu'aucune avancée dans l'enquête n'a été annoncée. L'une aura lieu dans le sud de Tunis, l'autre à Jendouba (nord-ouest) d'où est originaire sa famille. La famille de la victime accuse Ennahda d'être responsable du meurtre de ce militant de gauche et anti-islamiste virulent, ce que dément ce parti. Outre cette crise, la rédaction de la Constitution est dans l'impasse, faute de compromis sur la nature du futur régime. M. Jebali a souligné que sa démarche visait aussi à accélérer ce travail pour organiser des élections au plus vite. Les conflits sociaux souvent violents se multiplient aussi sur fond de misère et chômage, à l'origine de la révolution de janvier 2011. Sans oublier l'essor d'une mouvance salafiste jihadiste qui déstabilise régulièrement le pays par des attaques.