Avec la chute du président égyptien Mohammed Morsi, le gouvernement islamo-conservateur turc a perdu un allié privilégié dans la région et a vu sérieusement pâlir le "modèle" démocratique qu'il prétendait incarner aux yeux du monde arabe. Dès son élection en juin 2012, le dirigeant égyptien issu de la mouvance des Frères musulmans est devenu, par proximité idéologique, l'un des points d'appui favoris de la diplomatie d'influence conduite par le Premier ministre Recep Tayyip Erdogan. La destitution de Mohammed Morsi par l'armée a donc mis à mal les ambitions régionales de la Turquie et le modèle d'alliance entre démocratie et islam promu par le Parti de la justice et du développement (AKP). "J'ai toujours douté de la réalité du +modèle turc+ aux yeux des Egyptiens", relativise Marc Pierini, l'ancien ambassadeur de l'Union européenne à Ankara, aujourd'hui chercheur à la fondation Carnegie Europe. "Le seul exemple que les Egyptiens voient dans la Turquie, c'est sa politique économique, qui a réussi à assurer croissance et discipline budgétaire", ajoute-t-il. Depuis l'arrivée de l'AKP au pouvoir en 2002, M. Erdogan a remporté trois élections législatives d'affilée et fait de la Turquie un pays à forte croissance économique. Fort de ces succès, son gouvernement, longtemps proche d'Israël, a tenté de profiter des secousses provoquées par les "printemps arabes" pour revenir en force sur la scène politique moyen-orientale. Lors du dernier congrès de son parti en septembre dernier, M. Erdogan avait célébré ce retour de l'influence turque devant un parterre d'invités étrangers, au premier rang desquels figurait M. Morsi. "Nous avons montré à tous qu'une démocratie avancée pouvait exister dans un pays à forte majorité musulmane", avait-il lancé avec fierté. Cette semaine, la destitution de son "ami" égyptien a donc été accueillie comme un choc par l'homme fort de la Turquie, qui a interrompu ses vacances pour présider une réunion d'urgence avec ses principaux ministres et le chef de ses services de renseignement.