Le parti algérien au pouvoir, le FLN, miné par des crises à répétition, a connu de nouvelles turbulences après que son chef a accusé le puissant patron du renseignement militaire d'être hostile à un 4e mandat du président Abdelaziz Bouteflika. Le chef de l'Etat, 76 ans dont 15 ans au pouvoir, n'a pas encore annoncé s'il briguait un nouveau mandat au scrutin du 17 avril, mais le patron du Front de libération nationale (FLN), Amar Saïdani, répète régulièrement qu'il est le candidat de son parti. M. Bouteflika a conquis le pouvoir en 1999 grâce au soutien des militaires et a été réélu en 2004 et 2009 aussi grâce à eux, notamment avec l'appui du puissant chef du département de renseignement et de sécurité (DRS), le général Mohamed Médiène dit Toufik, selon les experts. Or, M. Saïdani a accusé cette semaine le général Toufik de vouloir empêcher M. Bouteflika de se représenter, et de vouloir l'évincer lui-même de son poste à la tête du FLN, dont M. Bouteflika est le président d'honneur. Il a également appelé le patron du DRS, en poste depuis 1990 à démissionner, jugeant qu'il avait échoué à assurer la sécurité dans le pays. "Au lieu de s'occuper de la sécurité, ce département (DRS) s'est occupé des affaires des partis politiques, de la justice et de la presse", a dit M. Saïdani, élu à la tête du FLN en août 2013 malgré la fronde de nombreux membres. C'est la première fois que le chef du renseignement militaire, un homme secret qui n'est jamais apparu en public, est visé ouvertement par de telles accusations. Selon la presse, les attaques de M. Saïdani contre le général Toufik, un des principaux chefs militaires qui ont empêché les islamistes de s'emparer du pouvoir en 1992, ont révélé au grand jour les divergences entre la présidence et le DRS sur un nouveau mandat de M. Bouteflika. Le quotidien El Khabar n'a pas hésité à titrer "le général Toufik contre le 4e mandat". Dès son élection en 1999, M. Bouteflika s'était montré très pointilleux de son indépendance envers l'armée en lançant sa célèbre phrase "je ne suis pas un trois-quarts de Président". Mais s'il a réussi à obtenir en 2004 la démission du chef de l'armée, le général Mohamed Lamari, hostile alors à un 2e mandat du président, il a échoué ensuite à évincer le général Toufik. De la poudre au yeux ?
En septembre 2013, il a cependant opéré d'importants changements au DRS puis effectué un remaniement ministériel. Il a placé trois services névralgiques de l'armée, auparavant chapeautés par le DRS, sous l'autorité directe d'un proche, le général Ahmed Gaïd Salah, chef d'état-major promu vice-ministre de la Défense. Ces décisions avaient alors été interprétées comme une volonté de M. Bouteflika de réduire l'influence du DRS, dans la perspective de la présidentielle. Néanmoins, selon l'ex-officier de l'armée Ahmed Adimi, il n'existe pas de divergence entre le président et le patron du DRS qui, selon lui, n'intervient plus dans la vie politique depuis au moins 2004. "M. Saïdani ne s'exprime pas au nom du président Bouteflika. Il s'agit d'un chef de parti qui fait l'objet d'une tentative de destitution, dont il accuse les services de renseignement d'être les commanditaires" et qui attaque en retour, analyse Abdelaali Rezagui, enseignant à l'Ecole supérieure de journalisme d'Alger. "L'objectif visé par ce débat autour du 4e mandat est de faire croire à l'existence de divergences entre le président et le DRS alors que les analyses montrent que c'est de la poudre aux yeux", a-t-il ajouté. Des membres du comité central, instance suprême du FLN, en rupture de ban avec M. Saïdani dont ils contestent l'élection, ont vivement dénoncé les accusations portées contre le chef du renseignement. "Les accusations de Saïdani ont visé l'armée, la présidence, la justice et même le gouvernement alors que nous sommes le parti de la majorité qui a octroyé la légitimité à toutes ces institutions. Comment les accuser alors d'échec?" s'est indigné l'ex-coordinateur du parti, Abderahmane Belayat, accusé par M. Saïdani d'être à la solde du général Toufik.