Dans un pays où l'on respecte le droit à la propriété intellectuelle, Saâdani serait condamné pour usurpation d'idée. Même en fermant les yeux, il est quasiment impossible de se rater quand c'est de sa propre main que l'on se frappe. Dans son ultime spasme, la crise au sommet de l'Etat, le secrétaire général du FLN, Amar Saâdani, a décidé de s'attaquer frontalement aux services de renseignement dont il accuse nommément le patron de trahison. Il cite alors pêle-mêle même les ratages des services de renseignement. Le général Toufik ainsi décrété par Saâdani traître, il ne reste plus qu'à dissoudre cette structure qui décidément ne sert plus à rien. Un pays qui s'attaque à ses services de renseignements ne court-il pas à sa perte? Sans cape, sans radar, sans visibilité dans une région infestée par le terrorisme et guettée par les narcotrafiquants, l'Algérie ainsi défaite de sa colonne vertébrale sera reléguée au rang de reptiles. Peut-on imaginer ce que vaudra l'Amérique sans la CIA, la France sans la Dgse, la Grande-Bretagne sans le MI5 ou la Russie sans le KGB? Amar Saâdani est descendu dans l'arène affronter le monstre du DRS. Il dégaine et précise à la presse que le président Bouteflika était décidé à instaurer en Algérie une «société civile» et à limiter l'influence politique du Département du renseignement et de la sécurité (DRS), qui joue un rôle central dans la vie politique depuis l'indépendance du pays. «Le DRS continuera à jouer son rôle, mais ne sera plus impliqué dans la vie politique, dans les partis, les médias et la justice», a encore affirmé Saâdani. Quel noble chantier que celui d'éloigner totalement l'armée et le DRS du champ politique. Le seul problème, et il n'est pas des moindres, c'est qu'il y a eu un vol. Dans un pays où l'on respecte le droit à la propriété intellectuelle, Saâdani serait condamné pour usurpation d'idée. Le combat pour un Etat civil, de droit d'abord au FFS et à son chef charismatique, Hocine Aït Ahmed, ensuite au RCD. Faut-il comprendre que le contenu de l'énigmatique lettre adressée par Amar Saâdani à Hocine Aït Ahmed concernait justement ce combat pour l'instauration d'un Etat civil? Les jours à venir nous le dirons avec plus de précision. Pour le moment, la partie n'est pas finie. Nous ne sommes qu'à la première mi-temps et c'est le moment de panser les blessures de cette bataille. A la seconde, on ramassera les cadavres. Car en définitive, la nature et les clauses du deal entre la Présidence, le DRS et éventuellement les chefs de région militaire, importent peu. L'essentiel, c'est-à-dire la rente, est préservé. En pareilles circonstances, le système algérien ne lésine pas sur les moyens pour rayer de l'échiquier l'une de ses pièces, une fois la partie terminée. Ce n'est point une nouveauté, mais juste un recommencement des choses. Rappelons-nous du puissant patron de la sécurité militaire, Kasdi Merbah, éjecté magistralement par le clan de Chadli, du général Beloucif toujours sous Chadli, ou encore du général Betchine qu'on disait intouchable durant la présidence de Liamine Zeroual. Que vaut Amar Saâdani face à ces grosses pointures si ce n'est du menu fretin? Il sera sacrifié et l'applaudimètre bien connu du FLN retentira de plus belle. «Il a osé s'attaquer à nos services de renseignement? Telle n'est pas la culture du FLN», sera-t-il renié. Unique est le FLN.