Des chefs de l'armée yéménite ont annoncé lundi leur ralliement à la contestation contre le président Ali Abdallah Saleh, qui a assuré que le peuple le soutenait malgré des appels redoublés à son départ. En outre, le principal chef tribal, cheikh Sadek al-Ahmar, a demandé au président Saleh, au pouvoir depuis 32 ans, de se retirer, joignant sa voix à celles de dignitaires traditionnels et religieux, dont le rôle est déterminant dans ce pays pauvre de 24 millions d'habitants. Deux commandants de régions, le général Ali Mohsen al-Ahmar, responsable du nord-est qui comprend la capitale Sanaa, et le général Mohammed Ali Mohsen, en charge du district militaire oriental, se sont déclarés en faveur des protestataires. Leurs défections sont les premières de cette importance dans les rangs de l'armée. En dépit de ces défections, le président Saleh, 68 ans, a affirmé que la "majorité du peuple" le soutient. "La grande majorité du peuple yéménite est favorable à la sécurité, la stabilité et la légalité constitutionnelle. Et ceux qui appellent au chaos, à la violence, à la haine et au sabotage ne sont qu'une infime minorité", a assuré le président à Sanaa. La contestation a pris de l'ampleur après la mort de 52 personnes tuées lors d'une attaque vendredi contre des manifestants à Sanaa. Cette tuerie attribuée à des partisans du régime a marqué la journée la plus sanglante depuis le début fin janvier de la contestation. Ce massacre a été condamné lundi par le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, en visite au Caire. "Le gouvernement yéménite a l'obligation de protéger les civils", a déclaré M. Ban, soutenant un "dialogue global". L'administration américaine a fait savoir au gouvernement yéménite que la violence observée ces derniers jours à Sanaa était "inacceptable". Auparavant, le général al-Ahmar, issu de la plus influente tribu du pays, avait accusé sur Al-Jazira le chef de l'Etat de "réprimer les manifestants pacifiques" et de "pousser le pays vers la guerre civile". A Sanaa, des dizaines d'officiers ont annoncé leur ralliement devant une foule de manifestants qui bravaient toujours sur la place de l'Université une interdiction de manifester pour exiger le départ du président Saleh. Dans la matinée, des blindés se sont déployés dans le centre de la capitale, notamment autour du palais présidentiel, du siège du parti au pouvoir le Congrès populaire général (CPG), du ministère de la Défense et de la Banque centrale. A Aden (sud), deuxième ville du pays, le général Chouaïbi a apporté son soutien à la contestation, en même temps que 60 officiers de la province de Hadramaout et de 50 officiers du ministère de l'Intérieur. Et le gouverneur de la province, Ahmad Qaatabi, a présenté sa démission. Les défections se sont multipliées ces jours-ci, contraignant le président Saleh à limoger dimanche soir le gouvernement, après la démission de trois ministres. Selon l'agence officielle Saba, M. Saleh a demandé à son cabinet "d'expédier les affaires courantes jusqu'à la mise en place d'un nouveau gouvernement". Les ambassadeurs du Yémen en Arabie saoudite, au Koweït, en Egypte et auprès de la Ligue arabe ont également annoncé lundi se joindre au mouvement de contestation contre le président Saleh. Cinq ambassadeurs du Yémen en Europe ont écrit au président pour lui demander de démissionner, selon l'ambassadeur du Yémen en France Khaled al-Akwaa. Le départ du président Saleh est "incontournable", a jugé de son côté le ministre français des Affaires étrangères Alain Juppé.