Heurts police manifestants au Caire,le pouvoir en cause Les affrontements se poursuivaient hier soir entre la police égyptienne et les manifestants qui protestaient au Caire contre la mort de 74 personnes la veille après un match de football à Port-Saïd,un drame qui a relancé le mouvement de protestation contre le pouvoir militaire. Les policiers antiémeutes ont fait usage de gaz lacrymogène contre les manifestants qui lançaient des pierres et tentaient de s'approcher du ministère de l'Intérieur,cible de vives critiques en raison de l'inertie des forces de sécurité face aux affrontements entre supporteurs lors du match mercredi soir. Selon la télévision d'Etat,628 personnes ont été blessées dans ces incidents, la plupart asphyxiées par les gaz lacrymogènes. Des milliers de manifestants étaient toujours rassemblés dans la soirée aux abords du ministère,près de la place Tahrir,dans le centre du Caire.Des ambulances continuaient leur va-et-vient pour emmener les blessés à l'hôpital tandis que la foule reculait à chaque tir de gaz lacrymogène avant de revenir de plus belle. "Les services de sécurité continuent à observer le plus haut degré de retenue pour faire face à ces agressions",a indiqué une source de sécurité, citée par l'agence officielle de presse Mena."Ils savent protéger un ministère, mais pas un stade !", lançaient des manifestants,dont la colère était surtout dirigée contre le maréchal Hussein Tantaoui,le chef du Conseil suprême des forces armées CSFA au pouvoir depuis la chute de Hosni Moubarak il y a un an. "Le peuple veut l'exécution du maréchal!Dégage!",criaient-ils. Les heurts se sont étendus à la ville de Suez,nord-est,où de violents affrontements également liés aux évènements de Port-Saïd opposaient policiers et manifestants autour du siège de la direction de la sécurité,faisant quatre blessés selon la Mena. Des milliers de supporteurs du très populaire club cairote Al-Ahly mais aussi des citoyens ordinaires avaient défilé dans la journée au Caire. Les violences au stade de Port-Saïd ont commencé après le coup de sifflet final du match au cours duquel Al-Masry,un club de Port-Saïd,a fait subir à Al-Ahly sa première défaite 3-1de la saison.Des centaines de supporteurs d'Al-Masry ont alors envahi le terrain et ont commencé à jeter des pierres et des bouteilles sur ceux d'Al-Ahly. Soixante-quatorze personnes ont été tuées,un bilan qui fait de ce match l'un des plus meurtriers de l'histoire du football. Les Ultras d'Al-Ahly,groupe de supporteurs parmi les plus fervents et les plus organisés,ont participé à la révolte contre M. Moubarak début 2011 et pris part aux manifestations hostiles à l'armée et la police,ce qui alimente sur les réseaux sociaux les soupçons d'une vengeance à leur encontre. Le Premier ministre Kamal al-Ganzouri,nommé par les militaires,a annoncé le limogeage de la direction de la fédération égyptienne de football,ainsi que la démission du gouverneur de Port-Saïd et des principaux responsables de la sécurité de cette ville du nord du pays. Le chef du Parlement,Saad al-Katatni,issu des Frères musulmans,première force politique du pays,a estimé lors d'une séance houleuse que la révolution est face à un grand danger."Ce massacre est dû à une négligence énorme de la Sécurité",a-t-il dit,sans aller jusqu'à demander la chute du gouvernement. Des députés ont en revanche réclamé le limogeage du cabinet,en faisant porter au CSFA l'entière responsabilité de ces évènements et en l'appelant à partir. Cette affaire a relancé les incertitudes sur la transition politique en cours dans le pays,alors que la Bourse du Caire a chuté de 2,2% en clôture,après avoir plongé à -4,6% en cours de séance. Le secrétaire général de l'ONU Ban Ki-moon a demandé au gouvernement égyptien des mesures appropriées en réponse à ce drame.Le CSFA a décrété un deuil national de trois jours et tenu une réunion d'urgence pour examiner les mesures nécessaires après ces évènements tragiques. Mais de nombreux Egyptiens évoquaient une conspiration contre la révolution.C'est clairement un complot,soutient Mohammed,un habitant de Port-Saïd,où le calme est revenu."C'était préparé d'avance",ajoute-t-il.Les Frères musulmans ont accusé les partisans de M. Moubarak d'être responsables des violences. La Fédération internationale de football Fifa s'est dite profondément attristée par les incidents tragiques de Port-Saïd,et a indiqué avoir demandé aux autorités un rapport complet pour évaluer ce qui s'est passé. Depuis la chute de M. Moubarak,l'Egypte a connu des troubles sporadiques et parfois meurtriers,associés à une hausse de l'insécurité liée notamment à un désengagement de la police. La Banque mondiale a annoncé avoir reçu jeudi une demande de l'Egypte, où la crise économique gagne en gravité, en vue d'un prêt d'un milliard de dollars pour soutenir le développement du pays.