Depuis l'avènement du numérique, les chaînes orientales ont eu le plus fort taux d'audience en Algérie. Des programmes de variétés, tels que la version libanaise de la Star Academy, aux émissions du genre talk show en passant par les séries télévisées de production syrienne, égyptienne et plus récemment koweitienne, les Algériens sont de potentiels clients, particulièrement les femmes. Mais depuis quelques années, un phénomène est venu s'ajouter au programme : les séries turques. Certes, le doublage est une pratique qui date depuis très longtemps. Les maisons libanaises doublaient déjà les télénovelas hispanophones et lusophones, mais ce n'est que depuis 2006 que les premières séries turques sont doublées par les Syriens. « La première série passait sur la chaîne MBC4, « Lamis », je la regardais avec ma famille », se rappelle Amina, bachelière. Le grand succès qu'avait connu cette série « les années perdues », suivie par la série « Nour » en 2008, ont largement facilité le défi pour les suivantes. Non seulement, ces deux séries ont été acceptées par le public oriental et maghrébin, elles ont été très appréciées aussi. Sirine et Imène avouent avoir suivi huit séries chacune. Imane explique : « Je suis résidente à Alger, lorsque je rentre chez moi, je passe le plus clair de mon temps devant les séries turques ». Pour d'autres comme Mlle R., il est plus question d'horaire et de disponibilité, « les séries passent sur des chaînes gratuites, généralement entre 18h et 20h, c'est l'heure de la pause, donc je les suis régulièrement », précise-t-elle. La saison hivernale semble y être pour beaucoup quant à la forte audience des séries turques. « Le froid et le mauvais temps nous empêchent de sortir ; nous nous tournons vers la télévision pour nous divertir », précise Mme H., femme au foyer et mère de trois enfants. « Ma mère ne regarde pas la télévision, mais elle suit le feuilleton turque de 19 h avec beaucoup d'attention », raconte Mlle R. Et d'ajouter : « Depuis que les séries turques sont diffusées en langue arabe, nous regardons moins de programmes syriens ou égyptiens. » Le doublage fait en dialecte syrien, a pleinement participé au succès de ces séries. Fatima, qui dit avoir suivi, environ sept séries depuis l'incontournable « Les Années perdues », affirme que « le doublage syrien est agréable ; on a l'impression que c'est la version originale. Si le doublage se faisait en dialecte égyptien ou koweitien, ces séries perdront beaucoup de leur charme et je ne les suivrai pas ». Perdre en charme, c'est perdre en audience, selon elle. Vraisemblablement, les productions orientales ont connu une nette régression en audimat depuis l'invasion de l'écran par les séries turques. La concurrence est rude, surtout en matière de qualité de scénario, les productions orientales ont du mal à retrouver leur audimat. Deux grandes tentatives sont entreprises, l'une en 2011 et l'autre en 2012. La première série tournée à Dubaï a pour titre « Ce que veulent les hommes » et la seconde est en cours de diffusion sur la même chaîne et est tournée au même endroit. Auront-elles le même succès ? Sirine, elle, n'est pas optimiste : « Les deux séries ne reflètent pas la société arabo-musulmane (...). On ne se reconnaît pas dans les personnages ». Selma, 25 ans, raconte son admiration pour les productions turques. « Ils font dans la promotion et la publicité, le tourisme turc est le premier à bénéficier du succès de ces séries dans le monde arabe ». Pour elle, le secret de ces séries réside dans « l'importance qu'ils donnent au détail, l'habillement des héros, la jet-set et le décor constituent les points forts de ces séries », précise-t-elle.