«Si vous entrez parmi les borgnes, fermez un oeil». Proverbe arabe Comment la Syrie, un pays politiquement fermé et économiquement modeste, est devenue le deuxième pays producteur de feuilletons dans le monde arabe après les Egyptiens? La Syrie a produit 27 feuilletons pour l´équivalent de 50 millions de dollars durant l´année 2010 et pourtant, l´argent vient des pays du Golfe et les feuilletons historiques sont tournés en majorité au Maroc. Contrairement à l´Algérie, la Syrie ne dispose pas de pétrole pour financer son cinéma et sa télévision et encore moins 1200 km de côte et le plus grand désert d´Afrique, pour servir de décor naturel. La Syrie a construit sa réputation audiovisuelle grâce à une série populaire Bab al Hara. Un feuilleton télévisé syrien retraçant la vie et les coutumes d´antan dans un quartier de la vieille ville de Damas (Ach-Cham) durant les années 1920 et pendant la domination française. Le feuilleton qui est arrivé à sa cinquième saison, composée chacune de 30 épisodes, a été diffusé avec succès sur les chaînes arabes (MBC, LBC, Nessma TV, Qatar TV....) pendant le mois du Ramadhan. Ce succès s´ajoute au succès déjà réel des feuilletons historiques syriens. Quel est le secret de cette réussite? Les Syriens qui ont été longtemps effacés par la production audiovisuelle égyptienne puis libanaise, avaient d´excellents comédiens au départ et surtout d´excellents techniciens de cinéma, formés par les Anglais et les Américains. Le plus connu reste Mustapha El Akkad, qui réalisa la plus grande fresque du cinéma arabe Errissala. Contrairement aux Egyptiens trop protectionnistes, ils croyaient en la diversité culturelle internationale arabe et partageaient souvent les castings avec des comédiens venus de plusieurs pays arabes, notamment la Jordanie, la Palestine, le Maroc et bien sûr l´Egypte. D´ailleurs, dans plusieurs pays arabes et surtout l´Algérie, on ignorait que et Mahmoud Saïd et Mouna Wassef qui jouaient respectivement les rôles de Khaled Ibn Walid et Hind dans Errissala étaient syriens. Leur participation était souvent confinée dans des séries arabes. L´hégémonie des Egyptiens dans le paysage arabe avait fait des ravages. C´est pourquoi le Maghreb (la Tunisie, le Maroc, l´Algérie et la Libye) ont été les premiers pays à acheter les feuilletons syriens, suivi par les pays du Golfe, qui commençaient à en avoir marre de l´accent égyptien. Le dialecte syrien ou shami n´était pas fort présent dans les séries historiques syriennes contrairement aux Egyptiens, qui présentaient des figures arabes avec un accent du Caire. Curieusement, les Syriens ont décidé d´imposer leur dialecte shami dans les feuilletons turcs, pour rappeler aux Egyptiens, qu´ils étaient, dans un passé récent, une ancienne colonie ottomane. Aujourd´hui, les choses ont graduellement changé. Plus de 350 artistes syriens ont participé aux productions des 21 feuilletons dramatiques et six séries historiques, dont les plus imposantes et lourdes sont El Kaakaa et Rayat El Hak, impliquant directement l´emploi de 25 000 artistes dans le monde arabe. Quant au financement, les pays du Golfe, comme les Libanais, les Emirates arabes unis et le Qatar, ont choisi le camp de la Syrie pour l´aide à la production, alors que le Koweït et l´Arabie Saoudite restent fidèles aux Egyptiens dont le soutien politique, économique et artistique reste infaillible. [email protected]