Enseignants de littérature française, universitaires et auteurs tentent de disséquer, trois jours durant, l'œuvre et le parcours du « Fils du pauvre » qui continue, un demi siècle après son lâche assassinat, à faire parler de lui. Khalida Toumi, ministre de la Culture, a mis l'accent, dans son discours lu par Slimane Hachi, directeur du Centre national de recherche préhistorique anthropologique et historique, sur le rôle de l'écrivain. « Je rends hommage à Mouloud Feraoun qui a marqué la culture algérienne tant par son œuvre que par sa mort tragique, et qui tentait de rattraper le retard éducatif imposé par les armes depuis un siècle », a-t-elle dit. Benamar Mediene, professeur à l'université d'Aix à Marseille et spécialiste de la littérature algérienne de graphie française, a fait part de son souhait de voir la commémoration de l'assassinat de l'illustre écrivain « devenir un jour de fête, tout comme l'anniversaire de l'indépendance de l'Algérie ». M. Mediene pense important de fêter des événements tragiques et de raconter l'histoire de l'Algérie dans les écoles et dans toute autre tribune publique, en déplorant les « commémorations commémoratives qui endeuillent et déshumanisent les célébrations nationales ». Cela étant, il a estimé nécessaire, si l'on veut s'écarter d'une vision guerrière de l'histoire, de sortir les personnalités historiques du statut de victimes et vulgariser leur parcours, fut-il tragique. M. Mediene qui a, en outre, rappelé le parcours d'enseignant de Mouloud Feraoun et intellectuel et artistique de Jean et Taos Amrouche et Frantz Fanon se demande si « l'histoire, construite en partie par l'histoire de ces hommes, est accessible et si elle intéresse encore le citoyen ». Ahmed Lanasri, professeur à l'université de Lille, s'est étalé, lui, sur l'histoire de la littérature algérienne d'expression française, qui prend son départ du roman « Le fils du pauvre ». M. Lanasri a affirmé que le roman « Le fils du pauvre », paru en 1950, est le premier roman algérien en langue française de la littérature universelle, précisant que le premier roman de langue française est « Ahmed ben Mostafa, goumier » de Mohamed Benchérif, édité en 1920. Ali Feraoun, fils de l'illustre écrivain, a lu un rapport d'enquête détaillant l'assassinat de son père et des cinq autres inspecteurs d'enseignement. Ce rapport a été adressé par Salah Ould Aoudia pour, a expliqué Ali Feraoun, « continuer l'œuvre de ces hommes qui ne doit pas s'éteindre avec leur mort ». Rachid Boudjedra, a affirmé, à l'ouverture des travaux du colloque, que « c'est en prenant conscience de l'existence des écrivains algériens grâce à l'œuvre de Feraoun « Le fils du pauvre » qu'il est devenu écrivain. Les travaux du colloque se poursuivent aujourd'hui. Des communications traitant, entre autres, de « Feraoun dans l'acculturation », « parcours d'une œuvre : comment rendre Feraoun accessible à un public de jeunes » sont au programme. Pour rappel, Mouloud Feraoun, Ali Hamoutène, Salah Ould Aoudia, Etienne Basset, Robert Aymar et Max Marchands, tous inspecteurs des Centres socio-éducatifs, ont été assassinés le 15 mars 1962 par l'Organisation de armée secrète à châteauneuf, sur les hauteurs d'Alger.