Le retour du printemps, c'est toute la culture en effervescence. Avec Youm El ilm à nos portes commémorant la renaissance et le long combat des réformistes, à leur tête Abdelhamid Ben Badis met lumière sur l'apanage spirituel d'Ibn El Arabi, le catalyseur d'une profonde philosophie, venu battre en brèche les vieilles pratiques paiennes, et la rigueur figée d'une vision extrémiste sur l'Islam. Au delà des obstacles dressés par des tabous extra-cultuels, le soufisme a pris le pas sur le charlatanisme pour devenir un centre de rayonnement de la culture religieuse marqué par l'avènement des confréries, à travers lesquelles l'enseignement spirituel est venu éviter les écarts sémantiques sur la renaissance. L'une des plus prestigieuses zaouias au Maghreb prêchant le Diwan continue d'attirer un très fort engouement. Le vénéré Cheikh El Kamel (El Hadi Benaïssa) fondateur de cette institution théologique au 11e siècle a réussi à instaurer la communion des sages. l'histoire de ce qotb, (pôle) parmi les salihine, s'est développée à Mazouna et Yellel. Le maitre de cérémonie,majestueux au milieu du cercle attentif de son public parla à ses habitués. Il commençait à connaître certains assidus. Il se sentait à l'aise sous cette multitude de yeux bienveillants et dociles, enveloppé de ces regards respectueux et attentifs, il se concevait “Maâlem” face à ses disciples dans ce grand fief des Tolbas. Cette institution théologique qui date de 1878, abrite la tariqa, la confrérie des Aïssaoua. Celui qu'on surnommé El Kamel (le parfait) était un qotb, un pôle... Les gens du Gharb, respectueux des Aoulia essalihine sont empreints d'une soumission dévote à une puissance qu'ils connaissaient et dont ils voyaient les preuves plusieurs fois par an lors de ces rencontres auxquelles ils leur arrivait d'assister. Les Aïssaoua, par leurs pratiques mystérieuses, par leur musique envoûtante, leur efficacité contre les venins. Tout cela cadre mal avec Cheikh El Kamel qui était un soufi abhorrant les pratiques diwanistes. Ses disciples ont élaboré plusieurs hizeb, liturgies dont celui de Sidi M'hamed Ben Slimane El Djazouli, le "soubhane eddaïm la yazoul". C'est une suite de récitations qui évoquent tous les grands soufis du monde musulman, invoquant Le Tout Puissant et les cinq Prophètes, qui en appelle à des centaines de nabi, saints. Lorsqu'on veut réciter le hizeb, on place au milieu des récipients contenant de l'eau du robinet ou du puits, on se réunit à plusieurs car la récitation est longue, elle dure plus d'une heure, elle doit être soutenue, déterminée et sans défaillance car elle convoque aussi les djinns, les anges, et leur ordonne une contribution. Une fois la récitation terminée l'eau est devenue ma el hizeb, l'eau de la récitation. Cette eau est, parait-il, un meilleur antidote de toutes les morsures et de tous les venins ou poisons connus et inconnus. Certains ont déjà témoigné du pouvoir de cette eau, à l'immunité qu'elle insuffle, une fois bue par la victime d'un reptile, on doit aussi la passer sur l'endroit supposée de la morsure. Les Aïssaoua commencent toujours leur hadra, rituelle, par des chants demandant l'hospitalité et la bienveillance de tous les ouali ou de leurs m'qams locaux, Chacun a sa chanson avec son rythme et ses paroles le glorifiant. Ensuite, ils évoquent leur maître, maître de tous les autres, le Parfait Benaïssa. Cette partie se termine par la ziara, l'obole...