Quand la cognée vint abattre le platane de Sidi Mansour, les Algérois en furent attristés et endeuillés. Ils venaient d'assister à la disparition d'une partie de leur histoire citadine après la malheureuse décision prise par les autorités coloniales en 1846 de déplacer vers le mausolée de Sidi Abderahmane, saint patron de la ville, les restes de Sidi Mansour. Les Algérois croyaient que Sidi Mansour Ben Mohamed ben Salim mort en 1644, qui reposait auprès du fameux platane, veillant l'un sur l'autre, resterait jusqu'à la fin des temps sur la place de la Jénina. Le destin en fut autrement. Ainsi, pour éviter la colère de la population algéroise, les autorités coloniales avaient décidé que le transfert des restes du santon soit fait sous l'escorte d'un détachement de Zouaves et les honneurs dus à un saint homme. Le vénérable arbre de 300 ans a été détruit au onzième jour du mois d'octobre de l'an 1853, renforçant la légende de l'homme de prière et de bien que fut Sidi Mansour, injustement pendu à la porte Azzoun ou Bab Azzoun, l'une des six portes d'El Dzair. L'arbre, pareil à un être humain face au vide laissé par son vieux compagnon Mansour et à la destruction du tombeau se mit à s'étioler… atteint, raconte-t-on, d'un mal mystérieux. Le platane se mit à perdre son feuillage qui avait vu passer des générations de marchandes et d'habitants du vieil Alger. L'histoire séculaire mentionne dans ses annales que le vieil arbre au tronc noueux a été un témoin historique des déboires de l'expédition de Charles Quint. Il a également été le sage observateur de l'autorité de 95 pachas et 25 gouverneurs. Dans les ruelles à peine assombries par les voiles du soir s'allongeant sur la vieille ville, le conteur échappé aux brumes des siècles a fini de réciter l'histoire du platane de Sidi Mansour. Ya Bahdjati ! Trois coups de heurtoir et la lourde porte ouvragée s'ouvre et se referme sur les pas du troubadour nomade.