Le président de la Commission nationale consultative pour la promotion et la protection des droits de l'homme (CNCPPDH) était hier l'invité de la chaîne III. Ce passage n'est nullement fortuit à la veille de la célébration de la journée internationale de l'enfant. La situation de cette frange n'est pas toujours enviable dans notre pays. «La question des enfants, dira Me Ksentini, est extrêmement importante dans notre société d'une part et dans notre culture d'autre part. Mais nous considérons que les brutalités et les enlèvements, suivis souvent, malheureusement, d'assassinats d'enfants, sont des actes qui s'apparentent au terrorisme, parce qu'ils ont pour objectif de semer l'effroi parmi la population et de terroriser les parents de ces enfants kidnappés de façon à leur extorquer souvent une rançon ». Il n'a pas hésité à qualifier les ravisseurs d'enfants de terroristes et les kidnappings des enfants d'actes de terrorisme. Selon lui, il y a une similitude dans la démarche et l'objectif. « Le propre du terroriste c'est de terroriser, et les kidnappeurs terrorisent et la famille et la population ». Pour lutter contre ce phénomène qui prend des proportions inquiétantes, Me Ksentini propose « la création d'une juridiction spéciale pour le traitement des affaires liées aux enfants afin que les crimes commis contre ces derniers soient jugés à la mesure de leur ampleur ». Cette proposition sera contenue dans son rapport qui sera remis au chef de l'Etat dans une dizaine de jours. « La commission s'est montrée très sensible à ce problème extrêmement grave et très douloureux. Donc, nous avons décidé de réfléchir à cette question », a précisé l'invité de la radio. « Nous estimons qu'il faut se déterminer à la création d'une juridiction spéciale qui pourrait être appelée à sévir contre les crimes commis contre les enfants», a-t-il poursuivi. Selon Me Ksentini, ce qui importe dans cette commission c'est le fait de prononcer des jugements, des décisions et des peines à l'encontre des kidnappeurs des enfants. Il s'est dit par ailleurs favorable pour le retrait de leur famille d'enfants maltraités par « des parents indignes ». «Inquiétude et volonté politique» Les enfants sont une catégorie de la population extrêmement fragile, un enfant ne peut pas se défendre lui-même, par conséquent il faut l'aider au maximum par des efforts aux plans juridique et judiciaire et au plan de la réflexion pour qu'il soit totalement protégé. Interrogé sur la position de la CNCPPDH quant à l'application de la peine de mort contre les ravisseurs d'enfants, sachant qu'elle est pour son abolition, alors que certaines associations appellent les autorités à son application, Maître Ksentini a indiqué qu'il est contre la peine de mort, même lorsqu'il s'agit d'enfants. «C'est difficile de le dire, mais c'est comme ça », a-t-il souligné. Selon lui, il existe des peines de substitution, notamment les peines perpétuelles à caractère totalement incompressible. « Je considère, encore une fois, que la peine de mort est une violence et que l'Etat devrait toujours s'abstenir de commettre des actes de violence », a-t-il souligné. Interrogé sur la situation des enfants en Algérie signataire de plusieurs conventions internationales sur la protection des enfants, il a indiqué qu'elle n'est pas dans le meilleur état possible. «Nous voyons quotidiennement dans nos rues des enfants abandonnés, livrés à eux-mêmes, dans un état vestimentaire peu satisfaisant et dont la scolarité est souvent compromise pour de multiples raisons. Nos enfants, c'est-à-dire l'Algérie de demain, ne sont pas dans un état brillant, c'est pour cela que nous sommes inquiets », a-t-il conclu. Interrogé sur les conclusions du rapport annuel concernant l'état des droits de l'Homme en Algérie remis en mars dernier au président de la République, Me Ksentini estime que des efforts ont été faits et des résultats ont été obtenus. « Nous avons constaté des progrès qui ont été réalisés, ils sont indiscutables, mais insuffisants », a-t-il expliqué. Selon lui, il y a un retard considérable qui s'est accumulé pendant des décennies et il n'est pas facile de le combler en un espace de temps restreint. « Le retard existe, le déficit aussi, mais la volonté politique existe également. » «La réconciliation nationale est une réussite» Le président de la CNCPPDH n'a pas manqué d'évoquer « La réconciliation nationale qui a, selon lui, atteint tous ses objectifs et fait l'unanimité dans le pays ». « C'est tout de même remarquable car l'opération était lourde et coûteuse pour l'Etat ». Selon lui, le nombre de familles des disparus qui ont refusé les indemnisations de l'Etat n'atteint pas cent. « Plus de 95% de celles-ci ont accepté les indemnisations et celles-ci ne peuvent être imposées ». D'après lui, le nombre officiel de personnes victimes de disparition forcée est de 7.200. «Nous avons retenu le chiffre de la gendarmerie nationale», a-t-il précisé. Dans un rapport sur les droits de l'Homme en Algérie, remis au chef de l'Etat, fin mars 2010, la Commission nationale avait évoqué le cas «des oubliés de la réconciliation nationale ». «Il y a ainsi, dit Me Ksentini, des personnes déportées dans le sud où elles sont restées plus de deux ans sans être jugées avant d'être relâchées. Elles aussi ont subi un préjudice matériel et physique et n'ont pas obtenu réparation. La philosophie de la réconciliation nationale est de ne laisser personne au bord de la route. Le nombre de ces déportés du sud se situe entre 15 et 18.000 », a-t-il indiqué. Farouk Ksentini a enfin confirmé l'invitation par l'Algérie de rapporteurs spéciaux de l'ONU sur les droits de l'Homme. « Cette invitation a tardé à venir. Ces rapporteurs auraient pu venir plus tôt. Certains d'entre eux étaient montés contre l'Algérie. Nous n'avons rien à cacher. Ces rapporteurs n'auront pas grand-chose à nous reprocher », a-t-il soutenu.