Qu'est ce qui vous a inspiré pour écrire « Chroniques Algéroises La Casbah » ? Nourreddine Louhal : Cela aurait été égoïste de ma part que de garder pour moi ce tas de souvenirs qui a si tant bercé ma tendre enfance. Oui ! Et à l'âge adulte, j'en ai ressenti aussitôt l'irrésistible nécessité de révéler ce trop-plein de mémoire à nos enfants. Pourquoi donc ? Me diriez-vous ! Pour la postérité, pardi ! En effet, qui donc mieux que les enfants d'ici et d'ailleurs, sont capables d'emmagasiner autant de souvenirs pour y pérenniser ce legs que je me suis fais un devoir de leur céder ? D'autant que l'image ajoute de la gaîté à la compilation de mes chroniques qui paraissaient tous les jeudis à la rubrique « Alger story » du journal L'Authentique. Que racontez-vous dans ce livre ? Au-delà du chapitre consacré à l'épopée héroïque d'« El-Djazaïr El-Mahroussa » (Alger la bien gardée) avec son carrousel d'« édifices de souveraineté nationale », à l'instar de l'histoire de « Dar essoltane » (La citadelle d'Alger), « Dar n'has » (La maison du cuivre), « La djenina d'Alger brûlée et détruite sur l'autel de la bêtise », je narre également les saints d'Alger ainsi que les lieux du savoir et du culte. Mais en même temps, les fontaines de bled Sidi Abderrahmane ne sont pas en reste, puisqu'elles procurent un air de fraîcheur à Chroniques Algéroises La Casbah. Mieux, et pour celles et ceux qui s'en souviennent, je relate à mesure que l'on feuillette mon livre du pouce et de l'index, les lieux autrefois selects d'Alger, où l'on trouve la rue Amar-El-Kama, le square Port-Saïd au détour des espaces verts d'El-Aassima (La capitale). Pour s'en convaincre, la pinède de Baïnem illustre de manière agréable l'envie d'un bol d'air frais. De la sorte, l'excursion culturelle à laquelle je convie vos lectrices et lecteurs n'en sera que plus belle grâce aux chapitres qui narrent les cafés de l'antique Médina d'Alger ainsi que ses curiosités et ses hommes qui ont fait sa notoriété. La Casbah de l'an 2012 n'est malheureusement pas celle d'antan. Qu'est-ce qui a donc changé dans votre Médina natale ? Bien entendu, il reste si peu de choses qui nous rappellent à la splendeur de La Casbah d'autrefois. J'en veux pour preuve la « houma » (le quartier) de « houanet » (les échoppes) de Sidi-Abdellah qui s'est désagrégé. Si tant et d'atroces effondrements, qu'il n'en reste rien de l'enfilade de chevillards qui faisaient jadis la notoriété du quartier pour la qualité de ses viandes. En effet, il n'y a que les murs ravagés par les affronts du temps, pour nous rappeler l'odeur du « bouzelouf » et de la « douara » (les abats). Certes, si l'oubli et l'abandon du « beylik » (l'autorité) ont concouru à la déliquescence de l'antique Médina ; en revanche, la main de l'homme est d'autant plus responsable. Enfin, les actes d'incivilité et de dégradations volontaires, se sont greffés au déficit constaté en matière de maintenance du vieil bâti. Où en est le projet de la restauration de La Casbah ? En ce moment, 25 bureaux d'études sont à pied d'œuvre au niveau de 25 îlots à La Casbah qui englobent 323 « douérat » (bâtisses traditionnelles). Le but est de dresser un diagnostic technique des îlots devant être restaurés, notamment l'îlot de Sidi-Ramdane et Lalahoum avant d'amorcer la seconde phase inhérente au plan permanent de sauvegarde de La Casbah d'Alger. Le scoop ? Je le dois à M. Mohamed Benmeddour, qui est le porte-parole de l'Office National de Gestion et d'Exploitation des Biens Culturels (Ongebc). En outre, sachez que pour en redorer un tant soit peu le blason ô combien terni de ce legs séculaire, le coût de l'opération nécessite l'apport pécuniaire de 64 milliards de dinars, que le ministère de la Culture s'est tôt fait de réserver pour l'embellissement de La Casbah. De la sorte, force est d'admettre qu'il est permis de rêver à la réviviscence de La Casbah. Des projets d'écriture en vue ? Il est vrai que je n'ai de cesse d'écrire des chroniques pour y relater l'art de vivre de « Ness El Casbah » (Les habitants de la Casbah). Seulement, cela est insuffisant eu égard au quotidien ô combien difficile de ses habitants. Quoi qu'il en soit, « écrire, c'est rendre compte », a écrit Malek Hadad dans son roman Le quai aux fleurs ne répond plus. Donc, autant être le témoin de son temps pour attirer l'attention de l'autorité sur la nécessité qu'il y a, à intervenir au plus vite pour sauver ce qui reste à protéger. Alors, gardons espoir étant donné qu'il existe une réelle volonté politique de sauver l'antique Médina d'Alger. Un dernier mot ? Je fais le vœu que toutes les Casbah d'Algérie, notamment celles de Dellys, du quartier de Sidi El Houari d'Oran, de Souïka de Constantine et de Bejaia soient au cœur des préoccupations des pouvoirs publics.