La Tunisie est-elle en train de basculer dans la violence islamiste ? Tout porte à le croire devant la vague de terreur visant, depuis trois jours, plusieurs quartiers de Tunis. Après s'en être violemment pris, dimanche, à une exposition artistique « le Printemps des Arts », à Abdellia, dans le quartier chic de la banlieue tunisoise, El Marsa, en détruisant plusieurs œuvres jugées offensantes pour l'islam, les islamistes radicaux, aidés par des « criminels », selon le ministère de l'Intérieur, ont intensifié, hier, leurs attaques, notamment dans d'autres villes. Dans la nuit de lundi à mardi, des centaines d'assaillants se sont affrontés avec les forces de l'ordre suite à une attaque visant des locaux administratifs, faisant sept blessés légers parmi les policiers. A Essijoumi (ouest de Tunis), les insurgés ont pillé et incendié des locaux du tribunal de la cité populaire. « Un groupe de criminels a attaqué le tribunal vers 22h. Il y a beaucoup de destructions, et des ordinateurs ont été volés. C'est grave car le tribunal représente la souveraineté de l'Etat », s'est insurgé le procureur de la République, Amor Ben Mansour, en soulignant que des citoyens s'étaient mobilisés pour défendre le tribunal. Les forces de l'ordre ont procédé à des tirs de sommation pour disperser un rassemblement de plus d'un millier d'islamistes qui tentaient d'incendier un poste de sécurité dans la zone du Kram, banlieue populaire au nord de Tunis. Un autre groupe s'est attaqué au poste de la Garde nationale de la localité « Attar dans la délégation de Sidi Hassine. A Djendouba, dans le nord-ouest du pays, le bureau régional de l'Union générale des travailleurs tunisiens (UGTT) a été incendié. Le SG de la centrale syndicale, Hocine Abassi a évoqué un « développement dangereux » et appelé les syndicalistes à protéger les sièges régionaux de la centrale. Les assaillants y ont mis le feu à un camion transportant des boissons alcoolisées et barré la route devant la direction régionale de la protection civile. La gravité de ces incidents est telle que le ministre de l'Intérieur, Ali Larayedh, a autorisé les forces de l'ordre à tirer à balles réelles sur les fauteurs de troubles. Pour son porte-parole, Khaled Tarrouche, « le fait que les violences aient éclaté en plusieurs endroits au même moment laisse à penser que c'était prémédité ». Il annonce dans la foulée l'ouverture d'une enquête. Les forces de l'ordre ont procédé, hier, à quelque 90 arrestations dans les milieux salafistes et criminels. Le ministre de la Justice, Nourredine Bhiri a, de son côté, dénoncé « un acte terroriste » et promis que les coupables allaient « payer cher ». « Ce sont des groupes terroristes qui perdent leur sang froid, ils sont isolés dans la société », a-t-il accusé. Le groupe parlementaire islamiste Ennahda (dominant l'Assemblée constituante tunisienne) a annoncé qu'il allait proposer une loi incriminant l'atteinte au sacré, y compris dans la future Constitution, tandis que le mouvement salafiste Ansar Al Charia a appelé à manifester ce vendredi après la prière contre les « atteintes à l'islam ». Ses responsables ont démenti toute implication de ses membres dans les violences nocturnes à Tunis.