Un couvre-feu nocturne a été décrété mardi sur le grand Tunis et dans quatre régions du pays après une vague de violences sans précédent dans tout le pays impliquant des groupes de salafistes et de casseurs qui ont attaqué des postes de police et des bâtiments administratifs. Le couvre-feu, annoncé mardi peu avant 20h locales, est en vigueur de 21h à 5h du matin et couvre le Grand-Tunis, qui comporte quatre gouvernorats, et les gouvernorats de Sousse, Monastir, Jendouba, et Médenine, selon un communiqué du Premier ministère. C'est la première fois depuis mai 2011 que la capitale tunisienne est soumise à un couvre-feu. L'Etat d'urgence est toujours en vigueur dans le pays depuis le soulèvement qui a abouti à la chute de Ben Ali le 14 janvier 2011. Cette mesure fait suite à une série de violences qui ont éclaté simultanément dans plusieurs régions du pays dans la nuit de lundi à mardi et qui se sont poursuivies dans la journée de mardi. Les troubles seraient liés à une exposition à La Marsa qui s'est tenue du 2 au 10 juin, et dont des œuvres ont été jugées offensantes pour l'islam. Les cités populaires de l'ouest de la capitale, mais aussi sa banlieue chic du Nord, se sont embrasées, et ont été le théâtre d'affrontements violents entre des groupes d'islamistes radicaux et de casseurs et les forces de l'ordre. Un tribunal a été incendié, des postes de police attaqués. Les troubles ont fait une centaine de blessés, dont 65 membres des forces de l'ordre, et plus de 160 personnes ont été arrêtées, selon le gouvernement, qui a dénoncé des “actes terroristes” et promis que les assaillants seraient jugés en vertu des lois antiterroristes de 2003 établies sous Ben Ali. Un jeune homme de 22 ans est décédé de ses blessures après avoir été atteint d'une balle à la tête au cours d'affrontements mardi entre des groupes salafistes et les forces de l'ordre, a-t-on appris hier auprès de l'hôpital. Simultanément, dans les régions de Jendouba, Sousse et Monastir, des sièges régionaux de la puissante centrale syndicale UGTT ainsi que des locaux de partis politiques d'opposition ont été attaqués. Le ministère de la Justice a annoncé mardi soir la mobilisation des gardiens de prison pour “protéger les tribunaux à travers le pays”. “Ils ont reçu des ordres pour utiliser tous les moyens y compris les tirs à balle réelle pour déjouer toute éventuelle attaque”, a-t-il déclaré. Hier, les “trois présidences” tunisiennes, République, Assemblée constituante et gouvernement, ont dénoncé mercredi des “groupes extrémistes qui menacent les libertés” mais ont aussi condamné l'atteinte au sacré, en référence à une exposition qui a suscité les violences en Tunisie. Il est nécessaire de “déjouer les plans des provocateurs et des extrémistes qui tentent de perturber le pouvoir et de semer la terreur”, selon un communiqué de la présidence tunisienne, au nom du chef de l'Etat Moncef Marzouki, du président de l'Assemblée constituante Mustapha Ben Jaâfar et du Chef du gouvernement Hamadi Jebali. Les “groupes extrémistes menacent désormais les libertés, s'arrogent le droit de se substituer aux institutions de l'Etat et tentent de mettre sous leur coupe les lieux de culte”, selon le texte. “Ces groupes sont infiltrés par des criminels (...), ce sont les spectres du régime déchu qui tentent de mettre en échec le processus de transition”, ajoute-t-il. Toutefois, les trois présidences condamnent également “l'atteinte au sacré”, qui “ne procède pas de la liberté d'opinion et d'expression et qui vise à provoquer et à semer la discorde ainsi qu'à profiter d'une situation sensible pour nourrir les tensions”. M. T./Agences