Le conte se remet de sa torpeur hivernale pour égayer les longues nuits d'été, sous la romance d'un ciel étoilé. Le retour du songe, du rêve et de l'enfance se rencontre dans cette trêve récréative des grandes vacances Heureux qui comme le Hlaiki (conteur) prendra son bâton de pèlerin pour sillonner l'histoire en quête d'audience Le défunt Ali Feddi, qui anima pendant plus de quarante ans l'émission hadikat El Atfal passa maître du conte. Ce disciple sortant tout droit du cercle des Oulama, autodidacte, s'imprégnant d'un répertoire familiale de conteur fit le bonheur de toute une génération qui lui doit encore cette magie du bruitage en studio pour imiter « une Bourrasque » ou encore la voix d'une chèvre tremblotante de peur face au méchant loup. Ce qui était incroyable dans ses contes, c'est que les animaux pouvaient épouser des humains, les monstres épousaient de belles femmes. C'était une succession d'évènements et d'aventures extraordinaires. Dans ces contes l'orphelin maltraité par une belle-mère acariâtre et méchante peut en grandissant devenir Sultan. Vous vous souvenez de Bagrat litama ? Et l'animal le plus féroce comme le lion par exemple, était plus indulgent que l'homme orgueilleux. Le petit M'quidech arrivait à vaincre la terrible Ghoula et le berger à épouser Loundja bent el-Ghoul ou alors Bent essoltane. Ce personnage incontournable, gardien des valeurs ancestrales. faisait preuve d'un don incomparable de la narration et d'une imagination débordante pour raconter des fables et des légendes. Des histoires fabuleuses où les ogres, « Ghwals » dévorent les enfants, où les animaux parlent notre langue et où les djinns, « djnoun » vivent dans notre monde. Des contes pleins de sagesse qui révèlent que le malheur ne sont pas dans la pauvreté mais plutôt dans l'ignorance. Que l'intelligence vaut beaucoup mieux que la richesse et que la ruse triomphe de la tyrannie. Des histoires où le religieux se mêle au profane et où le bien finit toujours par triompher du mal. Pour commencer son conte (m'hadjya), Ali Feddi mettait d'abord en condition son audience. Il utilisait des formules, rythmées en quatrain pour donner plus de prose à ses présentations. Elle disait : hadjitek ou ma djitek, ou loukan houma ma djitek. Cette petite formule s'enchaîne avec : kan ou ma kan, ou kan Allah fi koll mkan. Ces petites phrases avaient le pouvoir de vous transporter immédiatement dans un monde fabuleux. C'était une porte qui s'ouvrait sur l'imaginaire. Et là, tout change, tout devient possible. Feddi utilise un langage différent : des mots à sonorité magique qui ajoutent au mystère de l'histoire. Des termes métaphoriques, symboliques et surtout beaucoup de gestes et expressions du visage. Ali Feddi avait l'art de mettre du suspense dans ses histoires