Mme Zahia Benmechhour est une jeune grand-mère avec un rêve. Un rêve simple. Elle veut mettre en valeur la cuisine du terroir délaissée au profit des fastfoods. « Nous voyons fleurir partout des échoppes qui proposent des paninis, des hamburgers, des pizzas et des chawarmas mais point de petits restaurants qui nous rappellent le couscous d'antan préparé avec divers ingrédients », a-t-elle dit d'emblée. Ce met caractéristique du Maghreb qui a voyagé dans le monde est quasi oublié par les restaurants. Et si dans les hôtels il est proposé, il n'est point à la portée du citoyen moyen. Donc Mme Benmechhour nous emmène dans notre cuisine du passé et lutte de toutes ses forces pour les recettes de grand-mère à base de légumes et d'herbes bio soient généralisées. « Elles sont simples, faciles à préparer, à la saveur unique et puis, c'est notre identité », appuie-t-elle. Sa cuisine à Aïn-Benian, est à côté de la tabouna et le brasero. « Il faut toujours mettre en valeur le présent sans oublier le passé », confirme-t-elle. « Les poivrons sont mieux grillés sur le kanoun par exemple, le pain est mieux cuit dans le tajine sur la tabouna et la cuisinière pour les autres mets », explique-t-elle. Sur sa table, la vaisselle est dans sa majorité en bois y compris les cuillères. Cet amour de la cuisine de nos ancêtres, elle l'a héritée de sa grand-mère paternelle, Yacout (turquoise) de la couleur de ses yeux, décédée à l'âge de 130 ans. Cette grand-mère prépare des mets à base de légumes puisés directement du jardin potager. Le couscous à base de lavande, de thym, de grenades, de farine de glands, d'ortie..., arrosé généreusement d'huile d'olive pressée à froid et le met sera dégusté avec le petit-lait à partir de lait de vache est simplement un juste retour à nos valeurs culinaires. « Ce ne sont pas les Européens qui ont inventé le bio, ils nous ont copié », affirme-t-elle. Sa grand-mère Yacout, par exemple, n'a jamais acheté de son vivant de la levure, c'est elle-même qui l'a préparait avec des racines d'un arbre tronia. Même le fromage, qu'elle nous fait goûter, est une préparation de ses aïeules. Le lait de vache est caillé pour ensuite devenir du petit-lait. Une fois acide, il est bouilli et filtré dans de la gaze. Il est appelé tithkilt, en langue berbère. Sa famille et ses proches amis se font inviter tout le temps chez elle dans sa cuisine grande comme son cœur. Ce n'est qu'en 2009 qu'une pâtissière, amie de longue date qui découvre, par hasard, son couscous avec des épices qu'elle sera subjuguée par le goût et marquée par la singularité. « C'est un trésor qu'il faut faire découvrir », lui dit-elle. Cette amie ne s'arrête pas à la saveur et le goût des différents couscous, berkoukès et fromage fait maison. Elle l'a encouragée à participer à des concours. Bingo, Zahia décroche à quatre reprises la première place. Cela lui a mis la puce à l'oreille. Pour cela, elle pense faire un livre de recettes pour perpétuer cette tradition culinaire, presque oubliée par la nouvelle génération. Mais le problème majeur rencontré par Zahia est le manque de fonds et un éditeur sérieux. Elle a, déjà, préparé une longue liste des différents couscous et berkoukès. En somme, Zahia est spécialiste de n'importe quelle semoule (blé tendre, blé dur, farine de maïs, de seigle, d'orge, de gland...). Zahia se bat inlassablement à réhabiliter ces saveurs d'antan. Quand elle regarde les chaînes satellitaires, elle a un pincement au cœur quand on fait découvrir par des reportages la cuisine du terroir de chaque région avec des labels. « Chez nous, ce ne sont pas les plats typiques qui manquent mais la volonté de les mettre en valeur et de les proposer à un large public », dit-elle avec amertume. Alors, Zahia fait appel aux institutions en charge de ce projet pour trouver les méthodes et les moyens à mettre en œuvre pour valoriser ce trésor qui pourra mourir s'il ne trouve pas les bonnes volontés.