Je chante ma ville. Je chante mes amours, mes amis jusqu'aux plus lointains souvenirs, mon enfance aussi se côtoyant entre ses murs. Encombrée par ses habitants augmentant d'année en année. Envahie par les voitures, les décharges sauvages, une foule indocile et une population en prise à la frénésie. Malmenée, désorientée par ce qui lui arrive, le trop plein de bruits et d'habitants, Alger a les pensées en gris à la recherche de sa blancheur scintillante, de son âme, de son passé. Dans l'attente de ses « à venir » Néanmoins, elle m'habite, elle est mienne et la leur. Me guide dans mes mirages comme lorsque je franchis le seuil de ses palais. Lorsque je traverse ses ruelles, pavés de mélancolie et de laisser-aller. Je la récite à Kaâ Essour où les pêcheurs à la ligne, en bleu de Shanghai un peu poètes, un brin visionnaires, la cigarette à moitié consumée, silencieux, font corps avec la mer. Amante, amie et confidente, elle se lâche pour eux, pour ses adeptes tel l'ample drap bleu, strié de jade. Mouvante et changeante. Les hantant et les guidant dans leurs mirages. Les miens. Alger maussade à travers ses rues défoncées, ces odeurs fades, ses maisons fanées. Elle est mienne et la leur. Je lui parle sur la terrasse du palais des Raïs. Fouettée par les vents, le souffle rafraîchissant et la parole houleuse. La mer humaine, ruban cobalt ceignant son front tel un diadème offert par les dieux. Les pas vont au gré de l'humeur désœuvrée et le cœur vibre au détour du boulevard de l'horizon. Le Front de mer, promenade privilégiée des jeunes couples, des sans travail et des errants. Les bateaux, mirages en partance vers de nouvelles terres attirent les esprits aiguillonnant les imaginations. Je lui confie mon poème chahuté par les goélands coléreux. Je l'aime d'amour ma ville, ma mère Saphir, blanche et grise. Je l'aime à l'heure de la sieste quand des maisons plongées dans la pénombre, fuyant la chaleur, s'échappent les voix de Zahi, Guerrouabi ou des notes de guitare. Je l'aime à l'heure du crépuscule, quand les vapeurs de la brume remontent du large pour venir apporter leur part de souffle frais. Quand la baie s'éloigne jusqu'à Tamentfoust et encore plus loin. Quand aux environs de minuit, le train quitte la gare et que son signal mélancolique tient compagnie aux noctambules. Partez si vous voulez vers New York, Adelaïde, Berlin, Montréal ou encore vers Rome et Alicante. Je continuerai à chanter ma ville. A chanter mes amours, mes amis jusqu'aux plus lointains souvenirs. Mon enfance aussi bousculant les vieux murs.