Suer toute la journée sans boire de l'eau sous un soleil de plomb, une condition extrême pour pouvoir travailler comme un aoûteron dans les champs de blé. En cette fin juillet, heureusement que la moisson arrive à son terme chez beaucoup d'agriculteurs. Dans les champs fertiles de la région de la commune de Zighoud Youcef (à 40 km de Constantine), les propriétaires terriens préparent déjà l'après-campagne des moissons, il ne reste que quelques parcelles à moissonner. Les ouvriers s'activent pour terminer la récolte de blé. « Nous avons commencé le 25 juin dernier, et nous sommes légèrement en retard, la fin de la campagne était prévue quelques jours avant le Ramadan, mais nous avons eu quelques pépins avec la mécanique des engins. Tout dépend de notre moissonneuse-batteuse », explique Issam, un jeune propriétaire d'une ferme et d'une demi-douzaine d'hectares à Zighoud Youcef. A ses côtés, ses deux frères et des ouvriers. Les trois insistent pour dire que contrairement à ce qu'on pourrait croire, ce métier est très difficile même pour un fermier : « L'avantage avec le blé c'est que ça s'entretient mieux que les autres cultures, durant le reste de l'année on ne fait pas grand chose, mais lorsque la moisson approche nous sommes mobilisés au moins deux mois dans les champs », affirme son frère cadet Mahdi. Certes, ils veillent sur chaque mètre carré de leurs biens, les ouvriers s'occupent malgré tout des rudes travaux. Des journaliers pour la plupart, payés 1000 DA la journée, ces jeunes paysans généralement au chômage ont choisi de braver la faim, la soif et la chaleur : « Seulement quelques uns ont choisi d'arrêter durant le Ramadhan, la plupart travaillent parce que ça leur fait gagner de l'argent », révèle Issam. Nous nous approchons des jeunes en question, à 13h ils ont terminé la journée, certains se préparent à rentrer, d'autres qui ont trouvé un peu d'ombre sous un arbre attendent pour préparer la journée de demain. Si tout va bien, il ne reste que trois ou quatre jours, nous assure Issam. Pour leur part, les moissonneurs ont comme principale tâche de remplir les sacs de blé et de les ramasser après le passage de la machine : « Nous commençons le boulot à 5h du matin pour finir tôt et éviter la chaleur de la journée. Tout dépend de la production quotidienne mais en général nous terminons avant 14h. Le soleil commence à taper sérieusement à partir de 10h, nous faisons de petites pauses mais c'est insuffisant. C'est dur pendant le Ramadhan, mais que voulez-vous nous sommes obligés de le faire pour nourrir nos familles. L'autre jour je me suis senti mal, j'ai dû rentrer », confie Walid, un journalier qui en est à sa sixième année de travail dans les champs. BEAUCOUP DE FRUITS AU S'HOUR POUR EVITER LA DESHYDRATATION Comment alors éviter une déshydratation pour un jeûneur qui travaille six ou sept heures sous un soleil qui tape ? Selon le frère de Walid, lui aussi cueilleur, c'est une question de volonté. « Pour éviter d'avoir soif, on se réveille à 3h 30, nous prenons le S'hour, beaucoup d'eau et des fruits tels que la pastèque, ça nous aide à tenir la matinée, puis tout dépend des capacités physiques et morales de chacun. Personnellement j'ai de plus en plus de mal ces derniers jours à finir les journées de boulot. Certains lorsqu'ils se sentent vraiment mal rompent le jeûne, d'autres le font avant même de commencer la journée. Nous travaillons en équipe, nous ramassons en moyenne 180 sacs de blé de 100 kg, donc imaginez toute la difficulté d'une telle tâche. » Le conducteur de la moissonneuse-batteuse est mieux payé avec 4000 DA la journée. Aux commandes de l'engin qui date du début des années 1990, il n'a qu'un souhait : travailler sur de nouvelles machines parce qu'« elles sont plus confortables, faciles à manier, elles simplifient la tâche et surtout il y a l'air conditionné. Un vrai plaisir. Mais ça coûte très cher, entre 1,5 et 1,8 milliard de centimes et rares sont les propriétaires qui peuvent s'en acheter ». Interrogé sur ce qui est pénible pour lui en ce mois sacré, il nous répond : « La chaleur quoique je suis mieux protégé que les ouvriers qui travaillent directement sur les champs et marchent des kilomètres par jour pour remplir les sacs de blé. Ce qui me dérange un peu c'est le manque de concentration lorsque j'aborde des parcelles de champs accidentées. Le moindre faux pas est un danger pour vous et pour les autres. Dans certains cas, les ouvriers doivent faire la moisson à la main pour éviter les accidents », conclut-il. Fatigués après plus d'un mois passé dans les champs, Issam et ses deux frères prédisent toutefois une bonne campagne : « Ce qui nous ennuie le plus ce sont les pannes des moteurs, chaque matin nous devons veiller à ce que des parties du moteur soient bien graissées, une petite pièce ou un joint peuvent vous immobiliser toute la journée. Il y a deux jours, un petit roulement s'est brisé, nous avons mis toute la matinée pour le changer. Pour cette année, la récolte sera meilleure que l'année dernière, il a neigé et beaucoup plu, puis la canicule du mois de juin a fait du bien aux champs ». D'ici la fin de la semaine prochaine, la campagne moisson de cette année sera achevée, promet Issam, mais les vacances ne sont pas pour demain, il faut maintenant penser à stocker le blé récolté dans des silos pour le vendre.