Au XIXe siècle, les cultivateurs recouraient essentiellement à des moyens manuels et, de ce fait, semaient, arrosaient, moissonnaient et battaient à la seule force de leurs bras. Le travail était pénible et l'effort constant mais il fallait trimer pour pouvoir se nourrir. De la petite graine aux vastes champs de blé Après avoir labouré, planté et arrosé, les paysans guettaient pendant de longs mois la sortie des premières pousses, puis, attendaient impatiemment qu'elles arrivent à maturité pour donner du beau et bon blé, doré à point par le soleil. Arrivait enfin le moment de la moisson. Si, aujourd'hui, le travail est facilité par l'utilisation des moissonneuses-batteuses, cela est loin d'avoir été le cas, il y a un peu plus de 100 ans où les paysans se voyaient contraints de faucher manuellement, c'est-à-dire à la faux ou à la faucille des ares de champs de blé. L'opération, de longue haleine, nécessitait la conjugaison de dizaines de bras volontaires mais surtout experts. La période des récoltes démarrait dès que le blé était mûr, en général au début du mois de juillet. On vérifiait sa maturité en égrenant un épi dans la main : le grain devait être jaune et sec pour pouvoir démarrer les moissons. On établissait alors le programme de travail sur les différentes fermes des alentours, et la tournée pouvait commencer pour ne se terminer qu'à la fin du mois de juillet. Une journée type pendant l'époque des moissons commençait très tôt. Il fallait être debout dès le lever du jour et aux premiers rayons du soleil, on était déjà dans les champs. En effet, il fallait travailler le plus possible tant que la chaleur était supportable. La journée s'écoulait alors, tout juste coupée par les pauses du déjeuner où des repas frugaux étaient servis aux paysans qui se retrouvaient avec bonheur autour d'une bonne galette, d'un verre de petit-lait ou d'un savoureux couscous aux légumes. On ne s'arrêtait qu'avec la tombée du jour et uniquement lorsque le manque de lumière rendait toute tâche impossible. La nuit, tous dormaient du sommeil du juste. Puis, ils répétaient l'opération jusqu'à la moisson de tous les champs. Séparer le bon grain de l'ivraie Une fois la moisson finie et les gerbes entassées en meules, une autre opération commençait, plus éreintante et plus coûteuse en main d'œuvre : c'est le battage. Ce travail pénible durait des mois et un vannage était nécessaire pour trier le grain de la menue paille. Un bon batteur au fléau battait 50 à 80 gerbes par jour. Avec la vapeur, la batteuse mécanique parvient à battre 100 à 250 gerbes en une heure, tout en effectuant le vannage. L'ensemble du travail est fait en 3 ou 4 jours et la récolte est prête à être vendue. Quel gain de temps ! La période des moissons avait une place très particulière dans l'année pour les ouvriers agricoles comme pour les exploitants. Tout comme lors des périodes de moissons, c'était, là encore, l'occasion de repas conviviaux qui réunissaient tous les voisins venus se donner des coups de main mutuels afin d'accélérer le travail et garantir une récolte de bonne qualité. Un matériel très rudimentaire Pour moissonner et battre le blé, les paysans avaient recours à un matériel très rudimentaire, à savoir une faucheuse, une charrette et la batteuse-lieuse qui restait alors à la ferme et n'était pas directement amenée dans les champs à moissonner. On vérifiait d'abord la hauteur de coupe de la faucheuse en utilisant un levier qui permettait de régler la taille de fauchage. Une fois le blé coupé, on le ramassait pour former, à la main, de petites gerbes que l'on entassait dans les champs. On passait ensuite avec une charrette pour ramasser ces gerbes et les ramener à la ferme. C'était là, dans la batteuse- lieuse, que l'on séparait le blé de la paille. On montait d'abord sur la batteuse avec une échelle et on plaçait le blé par une ouverture située au dessus de la machine. Les épis passaient alors dans une presse à l'intérieur de la machine. La paille était, ensuite, expulsée d'un côté en grosses balles maintenues par des fils de fer, alors que les grains remplissaient des sacs en toile de jute de l'autre côté. Arrivée des moissonneuses batteuses Ceux qui ont vécu ces périodes des moissons- battages à la manière traditionnelle, s'en souviennent comme de formidables moments de convivialité et d'entraide où chacun mettait du cœur à l'ouvrage pour assurer la réussite de la récolte de son voisin. Un période très difficile aussi car le travail était très pénible : travailler sous la canicule, dans une poussière incessante soulevée par la fauche des blés, et ce du petit matin jusqu'à la fin du jour, n'était pas à la portée de tous les volontaires. A partir des années 1950, cette convivialité s'est un peu perdue avec l'apparition des premières moissonneuses batteuses. Une révolution mise en place de façon très progressive. La main-d'oeuvre agricole nécessaire pendant les moissons a, dès lors, sensiblement baissé et elles se sont depuis lors déroulées sur des périodes plus courtes. Autre différence majeure, au début du siècle on conservait la quasi totalité de la récolte pour nourrir les bêtes de l'exploitation. Peu à peu, la part de la récolte mise à la vente a largement augmenté pour arriver aujourd'hui, à la vente quasi intégrale de la production. En contrepartie, le travail est bien sûr plus rapide, ce qui est essentiel pour assurer une bonne qualité des grains en cas de grosse pluie au moment de la moisson. Il est aussi beaucoup moins harassant. Le progrès a, certes, limité la convivialité de ces périodes traditionnelles mais en contrepartie il a apporté plus de confort de travail aux exploitants.