A l'instar des autres services, un réseau social peut être évalué en comparant les coûts et les bénéfices. Les bénéfices des réseaux sociaux actuels sont déjà bien connus de leurs usagers ainsi que des communicants. Le fait de pouvoir garder un contact permanent – bien que virtuel – et structuré avec un grand nombre de personnes est indéniablement l'un des grands progrès de ce début de siècle. Par contre, s'agissant des coûts, on les connaît un peu moins. Le modèle des principaux réseaux sociaux consiste à monétiser un service d'interconnexion sociale en exploitant le contenu fourni par les usagers (leurs informations personnelles, le contenu de leurs communications, etc.) afin d'offrir aux annonceurs des services de publicité toujours plus ciblée. L'usager paye donc en nature, au moyen de sa « vie privée ». Jusque-là, la vente de profils d'utilisateurs, activité bien connue et reconnue aux opérateurs de l'internet, ne constituait pas tant un motif de souci, tant que les informations recherchées se limitaient à celles que veut bien communiquer l'utilisateur. Néanmoins, les appétits conjugués des réseaux sociaux et des sociétés de marketing ont induit de nouveaux développements susceptibles d'inquiétudes quant au respect des limites de la vie privée. En effet avec Facebook, mais également avec Google+, le montant total des indications collectées auprès des usagers est supérieur à la somme des parties. Les données générées sont soumises à des analyses automatisées de plus en plus complexes, conçues pour en extraire bien plus que ce qu'elles peuvent laisser transparaître au premier abord. L'essor des technologies prédictives, combinant les progrès de la psychologie sociale et de l'algorithmique, sont bien documentées et revendiquées haut et fort par les divers acteurs de l'industrie. Les informations données au réseau social, mais également toute l'activité de navigation externe, enregistrée et décortiquée par ce même réseau social, ouvre une fenêtre sur ce qu'en d'autres temps, on aurait pu appeler « le secret de l'âme de l'internaute ». Ses recherches, son style de navigation, ses contributions externes sont autant de traits trahissant inexorablement des aspects cruciaux de son processus de pensée. En surveillant tout un ensemble d'activités sur Internet, Microsoft pense aller plus loin et pouvoir déterminer l'humeur de l'internaute et lui proposer ainsi des publicités ciblées en fonction de son état d'esprit. C'est en tout cas le but ultime recherché par la société de Bill Gates qui a déposé un nouveau brevet à la fin d'année 2010. Qu'elle a rendu public tout récemment, comme le rapportait le site Geekwire. Cette nouvelle technologie se propose de définir votre humeur pour ensuite interroger une base de données constituée de publicités censées correspondre à différents états d'esprit. Ces « réclames » vous étant ensuite soumises... Pour établir votre humeur : positif, heureux, troublé, neutre, négatif, énervé ou triste, Microsoft surveille et prend en compte les sites Web que vous visitez, le contenu des pages Internet, les recherches menées sur le Web, les courriers électroniques reçus et envoyés, les échanges sur votre messagerie instantanée, les jeux en ligne auxquels vous jouez mais aussi, et c'est un peu plus inquiétant, les données récoltées via votre webcam ou votre système Kinect. A l'aide de toutes ces données, le système établira non seulement votre humeur, mais également pendant combien de temps vous avez été morose ou heureux, afin d'aider les publicitaires à vous « offrir » la publicité la plus adaptée. Autrement dit, Microsoft vous suit à la trace, vous filme pour pouvoir ensuite mettre dans le mille et rendre plus efficaces les publicités qu'il soumet à votre regard. Si Microsoft n'a pas annoncé officiellement vouloir mettre en place ce système, ce brevet relance toutefois la question de l'anonymat en ligne, du respect de la vie privée et également les inquiétudes que mettaient en avant certains experts face à l'aspect très intrusif des systèmes Kinect, potentiellement capables de filmer en permanence et à votre insu ce qui se passe chez vous... Des inquiétudes alimentées également par la nouvelle passée presque inaperçue le 17 février dernier ; Twitter a vendu les droits d'utilisation des données générées par ses utilisateurs à deux sociétés, l'une américaine, Gnip Inc., l'autre anglaise, DataSift. Twitter a, en effet, bel et bien vendu le droit à ces entreprises d'analyser les archives de tous les tweets produits et les données basiques des utilisateurs. Gnip pourra proposer à ses clients de faire leurs emplettes dans les posts des trente derniers jours. A raison de près de 250 millions de tweets par jour, on imagine qu'il y a une belle mine d'informations à trouver dans tous ces liens, toutes ces photos et tous ces messages partagés entre amis, followers, personnes avec des centres d'intérêts communs, rediffusant les contenus qu'elles apprécient, etc. DataSift va plus loin. Il proposera à ses clients pas moins de deux ans d'activité. Une base incroyablement riche de données personnelles qu'on confie pourtant à Twitter et au monde sans trop s'en soucier. Sous forme de packages, qui regrouperont des tweets sur des sujets bien spécifiques, et même selon des zones géographiques précises, ces informations seront donc vendues. Rob Bailey, P-DG de DataSift, déclarait ainsi à Reuters que « 700 sociétés sont sur une liste d'attente pour utiliser cette offre ». Ces packages de données contextualisées permettront à des sociétés, qui les auront achetés, de savoir ce que des personnes d'un département ou d'une région pensent de leurs produits. Ce sera également un moyen d'avoir un retour à grande échelle par rapport à une campagne de publicité ou à une gestion de crise. C'est de l'intelligence marketing extrêmement précise, heure par heure, en temps réel. Un commerce de données en toute impunité, le plus affligeant étant, comme le précise Rob Bailey, que « les seules données que nous fournissons sont publiques » et elles ne sont pas vendues pour de la publicité ciblée, « je ne sais même pas comment cela pourrait fonctionner », avance-t-il. "Les réseaux de publicités agressives posent un problème plus important que les logiciels malveillants. C'est à ce jour, dans la téléphonie mobile, le problème le plus fréquent en matière de vie privée », a déclaré à Reuters Kevin Mahaffey, cofondateur et responsable technologique chez LookOut. Des réseaux publicitaires ont recueilli l'année passée des données personnelles d'utilisateurs d'applications mobiles à leur insu, estime la société de sécurité informatique LookOut, ajoutant qu'ils pourraient avoir désormais accès à 80 millions de téléphones à travers le monde. L'entreprise américaine a dévoilé un code de bonne conduite destiné aux développeurs et aux annonceurs afin d'éviter que ne croisse le ressentiment des consommateurs face aux publicités intrusives. Plus de 80 millions d'applications comprenant de telles publicités ont été téléchargées, et le problème augmente et pourrait nuire à ce secteur qui représente quelque 8 milliards de dollars (6,5 milliards d'euros), prévient LookOut.