Certains producteurs avancent même cet argument pour justifier la décision d'augmenter les prix de leurs produits juste après l'Aïd El Fitr, à l'image du groupe agroalimentaire Cevital. Toutefois l'Association des banques et établissements financiers (ABEF) atteste du contraire soulignant « qu'il n'y a rien de spécifique en cette période ». « Aucune chute ni une hausse exceptionnelle du dinar n'est enregistrée », affirme le délégué général de l'ABEF, Abderrezak Trabelsi. « La dépréciation du dinar est strictement liée à l'évolution de l'économie nationale, à la situation financière du pays, à la production et productivité et également de la situation au niveau mondial », observe-t-il. En clair, une monnaie se déprécie quand le niveau de croissance et de productivité baisse et inversement. Le dinar n'est donc qu'un « baromètre », a-t-il noté avant d'ajouter que c'est l'économie algérienne dans son ensemble et les résultats qu'elle affiche qui peuvent définir le taux de change du dinar par rapport à d'autres monnaies. Donc si les performances de notre économie marquent des tendances à la hausse, le dinar s'apprécie. Pour le délégué de l'ABEF, l'argument avancé par les opérateurs pour justifier une augmentation des prix est un « faux prétexte ». « Pourquoi les prix des produits ne connaissent-ils donc pas de baisse quand le dinar s'apprécie ? », s'interroge-t-il. Cependant, il reconnaît qu'il y a une corrélation entre les prix et les taux de change « parce qu'une bonne partie des produits est importée ». LES REPERCUSSIONS INFLATIONNISTES DES AUGMENTATIONS SALARIALES Pour l'économiste Mourad Goumiri, il y a d'abord une explication à donner sur la différence entre dévaluation et dépréciation d'une monnaie. Ainsi, il précise que la dévaluation est une décision souveraine d'un Etat qui sur la base d'une politique monétaire va formellement dévaluer sa monnaie d'un pourcentage donné, afin de retrouver les équilibres perdus sur les différents marchés. « C'est un acte qui est tenu secret, jusqu'à son annonce pour éviter la spéculation », précise-t-il. Quant à la dépréciation, « elle rend compte d'une situation du marché des changes à un moment donné, ce qui signifie que la tendance peut se renverser en fonction des éléments objectifs de ce marché au niveau national pour ce qui est de l'offre et de la demande et au niveau international ». Résultats des courses : « A mon avis, notre pays n'est pas dans une situation de dévaluation. Par contre, les autorités monétaires verraient d'un bon œil une diminution des importations qui ont atteint des sommets jamais égalés par le renchérissement des prix, consécutif à la détérioration du dinar », ajoute-t-il. Pour ce qui est de la relation prix et valeur du dinar, l'économiste estime qu'il faudrait analyser quelle est la part des importations dans le prix de revient du produit proposé à la vente, entre zéro pour cent (produit national) à 100% (produit importé et vendu en l'état). « Le renchérissement des prix des produits et services importés par augmentation des devises ou la détérioration du dinar est une politique courante lorsqu'on veut diminuer les niveaux d'importation. Mais ni le ministère des Finances ni la Banque d'Algérie n'ont annoncé de pareilles mesures. C'est d'abord le signe évident d'un déséquilibre entre les flux physiques et ceux financiers, qu'on appelle le coefficient de liquidité d'une économie (Pib/masse monétaire) », explique-t-il. Il va sans dire que « les augmentations des salaires et des pensions (avec effet rétroactif), sans gains de productivité réels, entraînent automatiquement des tensions inflationnistes de réajustement qui se répercutent sur le marché des devises, entraînant une détérioration du dinar par rapport aux autres monnaies de référence. Il est donc normal que les importateurs ajustent leurs prix à la hausse pour contrecarrer cette perte de change », observe encore l'économiste. Partageant le même avis, Messaitfa Bachir, expert ès économie, souligne que le dinar a connu depuis le mois de janvier dernier « une fluctuation du taux de change par rapport à la monnaie étrangère et non pas une dévaluation ». L'expert souligne que la valeur du dinar dans la politique de la Banque d'Algérie n'est pas libre mais soumise à une politique des prix définie entre les banques avec l'intervention de l'autorité monétaire. « L'objectif est de maîtriser la demande des opérateurs économiques et du gouvernement sur les devises », affirme-t-il.