Samedi 15 septembre. Il est 6h00 du matin. Tlemcen se réveille. Lentement, certes, mais le rythme ne tardera pas à prendre sa dose d'adrénaline. Le match qui devait opposer le Widad de Tlemcen au Mouloudia d'Alger plante le décor. Celui d'une fête qui ne durera que l'espace de deux mi-temps. Dans les deux sens de l'autoroute est-ouest, des barrages de contrôle sont dressés. La ville est quasiment bouclée. De l'autre côté de la ville, des dizaines de voitures et d'autobus affluent. Cette foule est du pain béni pour les trafiquants et autres contrebandiers qui tiennent à passer inaperçus. A peine les premiers rayons du soleil et voilà qu'un véhicule volé en Espagne et chargé de cannabis, transgresse la frontière du côté de Boukanoune. Le clash ne tardera pas à avoir lieu entre les garde-frontières et les convoyeurs qui finiront par abandonner la partie, préférant détaler vers le Rif marocain. La saisie de 4,3 tonnes de kif traité fera vite le tour de l'extrême ouest. Echec et mat, les narcotrafiquants n'ont finalement pas pu s'infiltrer parmi les supporters pour acheminer leur cargaison à Alger. BAB EL-ASSA, UN REMPART A HAUTS RISQUES Sur le tracé frontalier, collé aux douars et villages algériens qui se confondent avec les reliefs du Maroc, une nette impression se dégage : la porte du crime transnational. Des pistes, des routes secondaires, des raccourcis boisés, des lieux-dits peuplés, des routes de wilaya... Bref, les ingrédients se greffent au jour le jour pour favoriser tous les trafics dans cette partie de la frontière algéro-marocaine. « Les narcotrafiquants ont changé non seulement de stratégie, mais aussi d'itinéraire suite au verrouillage de la frontière sud-ouest », fait remarquer, depuis Bab El Assa, le chef du groupement de la Gendarmerie de Tlemcen, le colonel Noureddine Boukhebiza. L'objectif des narcotrafiquants demeure le même : faire parvenir la drogue en Libye et au Moyen-Orient, selon l'officier supérieur. Mais l'insécurité dans la région ne facilite pas la tâche aux convoyeurs. D'où cette connexion entre les narcotrafiquants et les groupes terroristes. « Les groupes armés contrôlent aussi le trafic de drogue qui est leur principale source de financement », affirme le colonel Boukhebiza. Pour briser ce deal, les forces de sécurité effectuent, depuis des semaines, une vaste opération de ratissage sur les monts Asfour, Fellaoussen, Béni Boussaïd et Mizab et ce, jusqu'à Béni Snouss sous la supervision du chef d'état-major de la 2e région militaire. Cette opération vise à resserrer l'étau autour des éléments terroristes d'Aqmi. Elle intervient suite à un attentat qui a couté la vie à 4 éléments des Groupements des garde-frontières (GGF) durant le mois de ramadhan. C'était le premier acte terroriste commis dans cette région frontalière depuis plus de 10 ans. Ainsi, pour empêcher des actes similaires, de grands moyens ont été déployés. DROGUE ET TERRORISME, UNE CONNEXION BIEN ETABLIE « Le dispositif sécuritaire au niveau des frontières est mis à jour », précise le chef du groupement de la GN de Tlemcen. Tout en affirmant un net recul de l'activité terroriste dans cette région, l'officier supérieur fait part de cellules dormantes qui guettent le moment de baisse de vigilance pour agir. « Nous sommes conscients du danger que représentent les réseaux de trafic de drogue qui constituent une source de financement du terrorisme. D'ailleurs, nous avons renforcé le travail de renseignement pour démanteler ces réseaux de soutien », précise le colonel Boukhebiza. Résultat : le groupement de Tlemcen a mis hors d'état de nuire plus de quatre réseaux de soutien au terrorisme. L'« émir » de la zone ouest, Halfaoui Lahcène, alias Hodeïfa Abou Abderahmane, tente de réactiver à tout prix l'activité terroriste dans cette région frontalière en coordination avec les réseaux de la contrebande et du narcotrafic. Aqmi avait déjà lancé une opération de recrutement dans les milieux des repentis et des familles des terroristes abattus pour réactiver les cellules de soutien logistique d'autant que les contrebandiers, les « hallaba » et les narcotrafiquants ont des liens avec les réseaux criminels au Maroc pour s'approvisionner en armes et explosifs. « La connexion entre le terrorisme et la contrebande existe depuis toujours, mais avec l'insécurité qui règne dans la région du Sahel, elle a pris des proportions exponentielles », explique-t-on à la gendarmerie CARBURANT : LA SAIGNEE Tlemcen reste aussi la plaque tournante du trafic de carburant. Malgré le renforcement du contrôle et les mesures prises par les autorités, la saignée continue. Près d'un million de litres de carburant a été saisi par la GN de Tlemcen durant les premiers huit mois de l'année en cours. A cela s'ajoute le trafic de cuivre, un créneau juteux. En effet, 67 tonnes de cuivre ont été saisies par les gendarmes en 8 mois. La marchandise était destinée au Maroc. La GN a réussi également le démantèlement de six réseaux spécialisés dans le trafic de drogue dont 3 internationaux et 112 personnes furent interpellées. Les différentes unités de la GN ont traité également 1 020 affaires dans le cadre de la lutte contre la contrebande ayant conduit à l'arrestation de 166 contrebandiers. « Le contrôle routier a été renforcé. L'opération d'identification des personnes et des véhicules a été intensifiée au même titre que les descentes dans les foyers de la délinquance », souligne le colonel Boukhebiza. « La lutte contre le crime organisé et la sécurité de l'autoroute est-ouest est l'une de nos priorités. Le haut commandement de la GN a renforcé le dispositif de sécurité en moyens humains et matériels. Nous sommes déterminés à lutter contre le crime et à traquer les narcotrafriquants et terroristes sans répit », assure le premier responsable de la GN de Tlemcen.