On ne pouvait les imaginer l'un sans l'autre, Claudine et Pierre Chaulet. Même lors des évocations des personnalités et des dates qui ont fait l'histoire de la révolution algérienne, ils venaient presque toujours ensemble. Ils ne refusaient jamais de dérouler la bobine de leurs souvenirs à la nouvelle génération avec le souci du détail. Ils ne se dérobaient pas à ce qui relevait pour eux du devoir et de la fidélité aux amis disparus et aux idéaux même écornés. La dernière fois où il nous a été donné de les voir, c'était lors d'un colloque de l'APS, organisé en décembre 2011, au Palais de la culture. Dans le grand hall, M. Chaulet nous disait que « réduire l'histoire de l'Algérie à une succession de complots et d'échecs est faux, car de grandes choses ont été réalisées ». Il mesure, notamment les avancées en matière de santé publique, ayant été un acteur dans les campagnes d'éradication de la tuberculose en sa qualité d'expert et de directeur au ministère de la Santé. L'homme s'impliquait dans l'action, avait rejoint, notamment l'Observatoire national des droits de l'Homme et le CNES. C'était l'homme de la raison et de la mesure qui nous avoua, aussi, sa qualité de militant du FLN. Même leurs mémoires, parus au début de l'année chez Barzakh et avaient un titre bien trouvé : « Le choix de l'Algérie », ont été cosignés. Comme si l'itinéraire était commun sans qu'on puisse séparer le parcours de l'un de celui de l'autre. Pierre Chaulet est un nom qui revient souvent dans les livres d'histoire. Saad Dahleb dans son ouvrage, « Mission accomplie », soulignera ainsi « le courage et le sang-froid du couple Chaulet qui n'avaient d'égaux que leur désintéressement et leur conviction politique ». Jeune médecin, Pierre, qui avait de qui tenir puisque son père Alexandre était dirigeant de la CFTC en Algérie, n'avait pas hésité à soigner les combattants. Il apportera une aide inestimable à l'organisation du FLN qui, sous la houlette de Abane Ramdane, se structurait à Alger. C'est dans la voiture de sa femme qu'Abane Ramdane et Krim Belkacem quitteront, à l'hiver 1957, Alger pour rejoindre l'un, le Maroc et l'autre, la Tunisie. Chaulet va, surtout, participer après son départ d'Algérie au système d'information du FLN en sa qualité de rédacteur dans El Moudjahid aux côtés de Rédha Malek, Frantz Fanon, Ahmed Boumendjel. Il côtoiera Mehri, puis M'hamed Yazid alors ministre de l'information du GPRA. Son rôle ne se limita pas à écrire pour dénoncer le colonialisme et exalter les idéaux du FLN-ALN, puisque en Yougoslavie, il prendra part en compagnie de sa femme qui l'avait rejoint à Tunis au film « Djazairouna ». Pierre Chaulet était un Algérien de cœur et de raison. Est-ce un hasard s'il vivait à Diar El Mahçoul ? Etudiant à l'université d'Alger où il connaîtra Claudine avec qui il se marie en 1955, il était proche d'André Mandouze qui sera expulsé d'Algérie. « Consciences maghrébines », revue de cette mouvance catholique progressiste publiera alors des écrits de Pierre Chaulet sur les discriminations dont étaient victimes les « indigènes ». Le professeur avait, alors, établi des passerelles avec les étudiants musulmans. En compagnie de Pierre Popie et de Pierre Roche, Chaulet se rapprochera, également, des SMA et des jeunes étudiants d'origine nord-africaine, les Marocains et les Tunisiens venant alors poursuivre des études à Alger. C'est presque, naturellement, que Pierre militant associatif et catholique engagé se retrouvera de leurs côtés quand sonnera l'heure de la Révolution qui fut, avec Claudine, la grande passion de sa vie.