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Azzedine Mihoubi répond à l'association des anciens condamnés à mort
Polémique autour du film « Zabana ! »
Publié dans Horizons le 23 - 10 - 2012

M. Mihoubi affirme avoir consulté la famille du martyr, ses compagnons d'armes, son avocat et même le gardien de prison de Serkadji où Ahmed Zabana était embastillé. « Saïd Stambouli, l'un des derniers maquisards qui était aux côtés du martyr lors de la bataille de Ghar Boudjelida, le 8 novembre 1954, une localité sise entre Oran et Mascara, nous a fourni des informations importantes sur l'homme et le militant », dit-il. Mieux, le scénariste s'est référé aux mémoires d'Ali Zaamoum qui a consacré un chapitre à la vie du chahid en prison. M. Mihoubi dit ne pas comprendre que Mustapha Boudina, qui n'a consacré que deux lignes à Zabana dans son livre « Les rescapés de la guillotine », crie à la honte. M. Mihoubi a aussi consulté Mahmoud Zertal, avocat d'Ahmed Zabana, qui « nous a raconté des conditions dans lesquelles s'est déroulé le procès ainsi que le climat dans lequel Zabana a été guillotiné ». Le scénariste a rencontré, dans le souci de cerner autant que possible le personnage, le gardien de prison, à qui Zabana a remis la lettre qu'il a écrite à ses parents. Mieux encore, l'équipe réalisatrice a même sollicité Sylvie Thénault, historienne française, spécialiste de la guerre d'Algérie, en plus des informations recueillies par le réalisateur, auprès des politiques français. Par ailleurs, afin de restituer au mieux l'image, le pavillon des condamnés et la guillotine ont été reconstruits à l'identique. « Je pense que professionnellement, le film est à la hauteur de l'histoire et du personnage », estime-t-il, avant de souligner que « Zabana ! » n'est pas un film documentaire, mais une fiction basée sur des faits historiques ». M. Mihoubi, qui dit « respecter » l'avis de M. Boudina, précise que cette œuvre est une contribution de la génération de l'indépendance pour lever le voile sur un aspect du militantisme des Algériens durant la révolution et le rôle des avocats du Front de libération nationale pour la défense des condamnés. Outre qu'elle a atteint ses objectifs artistiques, cette œuvre, en tant qu'idée, montre que le cinéma peut poser la question de la déviation de la justice coloniale. Et de conclure : « Nous ne détenons pas le monopole sur le parcours d'Ahmed Zabana, des condamnés à mort ou la vérité historique. Nous voulons seulement être au service de la mémoire nationale parce que nous avons beaucoup d'histoire, mais peu de mémoire ». L'équipe qui a réalisé le film a eu le soutien du ministère de la Culture, du réalisateur Lakhdar Hamina, de Rachid Bouchareb et d'Ahmed Bedjaoui. Le film est une réussite, selon le scénariste. Ce dernier affirme que des sites Internet sud-africain et américain ont fait une critique élogieuse du film qui traite de la révolution algérienne avec une nouvelle vision qui dévoile un autre visage du colonialisme. « Zabana ! » participera au festival du cinéma de Dubaï, en décembre prochain. Il sera également projeté dans plusieurs salles de cinéma en Italie, en raison de sa qualité artistique et de son contenu. Il est à rappeler que le film a été projeté six fois et à guichets fermés à Toronto en septembre dernier. Ce qui a permis au public de connaître à la fois le militantisme des Algériens à l'intérieur même des prisons, mais aussi du colonialisme, notamment la torture et les exécutions sans foi ni loi. Saïd Ould Khelifa, le réalisateur du film, pense que le peu de production cinématographique sur la révolution et l'absence de débats font que certains se jettent sur le film « Zabana ! ». « Nous ne sommes pas des historiens. Même les pièces à conviction sont parfois sujettes à discussion », argumente-t-il, soulignant ne pas avoir réalisé un film sur un héros, mais un jeune Algérien de cette époque-là.
Les reproches de Mustapha Boudina
Mustapha Boudina qui parle au nom des condamnés à mort n'est pas satisfait du film sur Zabana. Cette œuvre, à ses yeux, ne reflète ni l'engagement militant du martyr ni les pratiques sauvages de l'armée française. M. Boudina, qui précise d'emblée ne pas avoir écrit de scénario sur Zabana mais sur les condamnés à mort de la prison Fort Montluc, dans la région lyonnaise, regrette que le scénariste n'ait pas invité les condamnés, les premiers concernés par un pareil et douloureux évènement. « L'auteur du scénario et le réalisateur du film n'ont pas cru devoir se rapprocher des condamnés à mort et de leur association ni avant ni après la réalisation du film », martèle-t-il. Et d'ajouter : « Notre collaboration aurait pu leur éviter certaines erreurs, omissions et lacunes ». M. Boudina a noté que l'itinéraire du militant et combattant est trop court, traité superficiellement, alors que l'attaque du garde forestier n'est pas présentée comme une action punitive contre un oppresseur qui sévissait sans pitié contre les populations. En outre, il pense que le traitement sauvage réservé au prisonnier au moment de son arrestation n'est pas suffisamment reflété par l'image, tout comme le nombre de tortionnaires, trop inférieur à la réalité. Dans le même sillage, M. Boudina reproche au scénariste le fait qu'il n'a pas montré le condamné à mort menotté aux mains et entravé aux pieds par un boulet, et le fait d'avoir trop privilégié les sorties en promenade au lieu de montrer notre héros dans la solitude de sa cellule, les souffrances morales et la lutte contre la mort. Autre reproche, la séquence qui montre Meissonnier hésitant devant la réquisition de guillotiner les condamnés politiques est fausse, parce que le tortionnaire « était enchanté puisque les têtes des politiques étaient plus chères que celles des droits communs ». M. Boudina souligne que « l'exécution de Zabana a été une décision des plus hautes autorités de la République française. Lorsque le couperet s'est arrêté, les responsables de cette sale besogne ont été pris de panique avant de saisir le président Réne Coti par téléphone à Paris. Cette opération a duré, au moins, trois quarts d'heure, avant d'entendre la réponse cinglante du président Coti : « Continuez l'exécution jusqu'à ce que mort s'ensuive ». M. Boudina se demande enfin pourquoi le scénariste n'a pas consulté les condamnés à mort, encore vivants, qui partageaient le même couloir de la mort avec Zabana. « On n'est pas contre le film, mais pour son enrichissement et le renforcement de certaines séquences », précise-t-il. Et d'ajouter : « Tel qu'il est réalisé, je persiste et signe qu'il est fait pour plaire aux Français ».


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