L'élection présidentielle guinéenne de dimanche dernier se transformerait-elle en cauchemar ? Sur les 24 candidats engagés dans cette présidentielle, la première élection libre du pays depuis 1958, date de son indépendance, 20 parlent de « fraudes massives et manifestes ». Selon eux, ces « fraudes et irrégularités » ont entaché le déroulement du processus électoral. « De nombreux faits survenus sur toute l'étendue du territoire donnent des raisons de penser que ni la transparence ni la liberté et la régularité du scrutin n'ont été observées », affirme au nom des 20 candidats, Abé Sylla, de la Nouvelle génération pour la République. Alpha Condé, l'opposant historique, accuse Ben Sékou Sylla, le président de la Commission nationale électorale indépendante (Céni), « d'avoir tout fait pour que le scrutin se passe mal » dans son bastion (Haute Guinée et Guinée forestière) en installant des bureaux de vote étaient à « 20, 30 km des populations ». « Nous n'allons pas permettre à des pyromanes de mettre ce pays à feu et à sang », prévient-il. Cellou Dalein Dialo Lansana Kouyaté et Sidya Touré, trois autres candidats, évoquent des « bourrages d'urnes », des « réapparitions d'urnes disparues » et une complicité de la Céni avec les fraudeurs. Le Conseil national des organisations de la société civile parle lui aussi de «fraudes» et d'irrégularités du scrutin dans la capitale. La Céni qui n'a pas « pu » proclamer les premiers résultats provisoires « dans les 72 heures » malgré l'hélicoptère mis à sa disposition pour acheminer les résultats, a qualifié ces accusations de « totalement infondées ».«Aucun résultat n'a été manipulé», rétorque Pathé Dieng, le directeur des opérations électorales de la Céni. Même si dans certains bureaux de vote des candidats ont relevé plus de votants qu'inscrits, des interpellations pour fraudes ont été procédées par la gendarmerie. Cette sarabande d'« accusations » risque -même si les Guinéens retourneront aux urnes pour départager les deux poids lourds, Alpha Condé et Cellou Dalein Diallo- d'entamer la crédibilité du scrutin et d'installer la Guinée dans l'instabilité et la violence. Ne « sentant » pas les candidats disposés à «contester » les résultats devant la Cour suprême, certains analystes redoutent le pire : le réveil des vieux démons dans une Guinée minée par des tensions ethniques. Les plus sages appellent à éviter d'intoxiquer l'opinion et à ne pas prendre à la légère les accusations de fraude. « L'absence de démocratie a fait que les gens se sont repliés sur leurs ethnie et région et les leaders politiques en font une exploitation politique », rappellent Mamadou Taran Diall, le président de l'Association guinéenne pour la transparence, Mamadou Taran Diallo et Mamadou Aliou Barry, le président de l'Observatoire national de la démocratie et des droits de l'homme. Selon ce dernier, les Peuls qui ont déployé de gros moyens logistiques et financiers pour « acheter » des voix à leur candidat Cellou Dalein Diallo estiment que leur « tour de gouverner est arrivé ». En Guinée, « une seule ethnie ne peut diriger » le pays, fait remarquer, à l'endroit des Peuls et des « malinké » d'Alpha Condé, Rabiatou Sérah Diallo, la présidente du Conseil national de transition.