Photo : Makine F. «Le projet de loi fixant les conditions et modalités d'exploitation des terres agricoles relevant du domaine privé de l'Etat constitue un grand pas dans l'histoire agraire de notre pays. La sécurité alimentaire, objectif majeur de ce texte, est une question de souveraineté nationale», a estimé Rachid Benaïssa, ministre de l'Agriculture et du Développement rural, dans son exposé devant les députés lors de la séance plénière consacrée à ce nouveau texte. Le ministre rappelle, de prime abord, les instructions du président de la République en vue de développer notre économie agricole, dans un cadre «clair et transparent». C'est dans cette optique qu'intervient cette nouvelle loi, ayant suscité l'intérêt de 85 députés lors des débats. M. Benaissa a indiqué, à titre illustratif, que la surface agricole utile du pays s'étend sur 8.5 millions d'hectares. 5,7 millions d'hectares sont constitués par des exploitations privées et 2.5 millions d'hectares (répartis sur 1519 communes) constituent l'assiette située sur les meilleures terres que compte le pays et qui peuvent participer, dans des conditions favorables et optimales, à plus de la moitié de la production agricole actuelle estimée à plus de 1500 milliards de dinars, soit l'équivalent de 20 milliards USD. Cette loi vise à stabiliser l'exploitation des terres agricoles du domaine privé de l'Etat, qui demeureront «propriété de l'Etat». Leur exploitation se fera par le biais de la concession qui s'étalera sur une période de 40 années renouvelables, a indiqué le ministre, en précisant que le texte a «exclu» les personnes ayant fait preuve de pratiques «déshonorantes» lors de la guerre de libération, et les étrangers n'ayant pas la nationalité algérienne. Pour l'heure, plus de 11.900 cas de litige ayant trait au domaine agricole sont entre les mains de la justice. Mais, rassure-t-il, les dossiers concernant la transgression de la loi et la déviation de la vocation agricole des terres sont «minimes». M. Benaissa convaincu que «la terre appartient à celui qui la travaille», affirme, par ailleurs, que les fellahs souhaitant se retirer de la concession ont le droit à l'indemnisation sur les biens superficiels. L'UNPA DEMANDE L'IMPLICATION DE LA JUSTICE Il faut signaler cependant que cette loi a provoqué un débat riche puisque certains ont approuvé l'intégralité des articles et d'autres ont tenu à mettre en avant certaines «lacunes» qu'il faut prendre en compte, selon eux, dans l'application de ce nouveau texte. Mohamed Alioui, député président de l'Union nationale des paysans algériens (UNPA) a contesté la période de 40 ans accordée pour la concession des terres en souhaitant son prolongement à trois générations. Tout en espérant l'accélération de la promulgation des textes réglementaires, il fera remarquer que «les précédentes lois n'ont pas été appliquées en raison d'un arrêté ministériel émanant de trois départements ayant provoqué la colère des agriculteurs. Ce qui les a poussés à céder leurs terres». M. Alioui estime, par ailleurs, que le retrait de la concession des terres à leurs propriétaires doit se faire par la justice et non par l'administration, comme le stipule le texte, en vue d'éviter les «tentations». Mme Sakina Messadi, député FLN, a salué la décision du président de la République ayant définitivement tranché la question des biens de l'Etat, en affirmant «que la terre c'est l'honneur». Ce qui signifie pour elle qu'il faut réfléchir par deux fois avant de la céder. Elle s'interrogera néanmoins sur le sort de ceux ayant commis des «fautes» ayant engendré un détournement des terres de leur vocation et sur les «limites» du principe de la concession profitant même aux héritiers. Abderrazek Achouri, député MSP, met l'accent sur la nécessité d'offrir les moyens appropriés aux agriculteurs, en indiquant que la tutelle se doit de négocier avec les doyens du domaine en non pas avec «les arrivistes».M. Messai du FNA évoque, pour sa part, la question de la nationalité algérienne, présentée comme condition majeure pour l'octroi de la concession, en souhaitant savoir s'il s'agit de la nationalité d'origine ou acquise. Du côté du RND, Mohamed Chikh estime que la conception de cette loi est motivée par des raisons objectives, avant d'attirer l'attention sur les carences dont fait preuve l'administration, n'ayant pas en sa possession les moyens de l'encadrement agricole. Il estime, toutefois, que le délai de 18 mois accordé pour la conception des dossiers de la concession s'avère insuffisant.