Des anciens compagnons d'armes, des officiers du Malg, mais aussi des historiens ont rendu un vibrant hommage à Abdelhafidh Boussouf, un homme qui fait l'unanimité parmi ses compagnons, en tant que père des Renseignements algériens, un coordinateur de la révolution, un formateur pour la génération des premiers bâtisseurs de l'après-indépendance. C'était « un homme rigoureux, sage, organisé », dira le colonel Senouci, qui revient sur le parcours de cet homme, militant du PPA, du MTLD et enfin de l'Organisation spéciale qui avait planifié, à travers le groupe des 22 qu'il a rejoint, la Révolution. Il sera l'adjoint de Ben M'hidi et aura la responsabilité de l'organisation de la Wilaya V, dans l'Oranie, la dotant de nouvelles recrues et de l'armement nécessaire. Avec la création du GPRA, Abdelhafidh Boussouf est promu ministre de la Défense (ministère de l'Armement et des Liaisons générales). Il organisera les transmissions, mettra en place également deux instances qui auront leur poids dans la conduite de la révolution, l'une s'occupant du renseignement et l'autre du contre-espionnage, car pour « battre l'ennemi, il faut le connaître de l'intérieur », précise M. Badredine, colonel de l'ALN. Ces instances auront, d'ailleurs, permis aux responsables algériens de réaliser la prouesse de constituer « une précieuse banque de données pour les négociateurs d'Evian ». Ils avaient même accès « aux PV des réunions du gouvernement français », ajoute-t-on. Pour le colonel Senouci, il est temps de dire la vérité « en faisant la part de l'imposture, de l'affabulation et de ce qui est vrai ». Il y a deux opinions, actuellement, sur Boussouf, précise-t-il, celle de ceux qui ont travaillé sous ses ordres, et ils sont unanimes à le considérer comme « l'un des plus grands chefs de la révolution ». Ceux qui n'ont pas travaillé avec lui, évidemment « ne le connaissent pas », dit-il. « Certains le craignent, certains ne l'aiment pas... » « L'homme était méfiant et très vigilant » « Mais, c'est tout à fait normal, « l'homme était méfiant, très vigilant et cela dès lors qu'il eut rejoint l'Organisation spéciale (OS) », rappelle le colonel Senouci. Il est un des rares responsables dont les Renseignements français connaissent peu de choses, sinon « ne savaient rien ». Mais ses services, à lui, « savaient tout sur tout le monde ». Ils ont réussi à constituer « 120.000 fiches sur les nationaux et plus d'un millier sur les étrangers ». Boussouf était, pour la France, « l'ennemi public à abattre ». Ils n'ont jamais réussi, malgré plusieurs tentatives, à « infiltrer ses réseaux », sauf ceux qui s'occupaient de la logistique à l'étranger. Cette faille a permis à la France d'arraisonner « sept navires transportant des armes pour nos maquis et de couler trois autres », poursuit le témoin. Boussouf reprendra, cependant, la situation en main, à partir de 1959. Depuis, « plus aucune arme n'a été saisie jusqu'à l'indépendance ». Ceux qui croient que Abdelhafidh Boussouf avait une ambition pour le pouvoir se trompent, car « l'homme avait les moyens de le prendre au moment où il fallait et ne l'a jamais fait », raconte pour sa part, le colonel Badredine. Mieux, après l'indépendance, en pleine crise de l'été 62, il appela ses militants à se mettre au service de l'Algérie, expliquant que le ministère dont il avait la charge était dissous. Boussouf pensait aux moyens de mener la Révolution, mais aussi, à la construction du pays après l'indépendance en envoyant à l'étranger des cadres se former dans l'aviation, mais aussi le pétrole. « L'Algérie avait déjà 44 pilotes prêts à relever le défi, soit les moyens dont disposaient le Maroc et la Tunisie réunis », dira l'un deux.