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Entretien LE COLONEL ALI HAMLAT, ALIAS EL HADI, ALIAS YAHIA, AU SOIR D�ALG�RIE
Voil� comment sont n�s les services secrets alg�riens�
Entretien r�alis� par Mohamed Chafik Mesbah
Mohamed Chafik Mesbah : sur le plan social, quelle �tait l�origine des membres de cette promotion Larbi Ben M�hidi ? Ali Hamlat : Encore une fois, tous �taient issus, en r�gle g�n�rale, de familles de r�fugi�s, de fonctionnaires au service du gouvernement marocain ou, accessoirement, de commer�ants et d�agriculteurs �tablis au Maroc de longue date. La petite bourgeoisie, pour utiliser une formulation marxiste� Abordons, si vous le permettez, un aspect li� aux attaches politiques des membres de cette promotion qui aurait comport� des marxistes av�r�s� Il ne faut pas forcer les mots. C��tait plus une coquetterie intellectuelle. Progressistes oui, les jeunes �tudiants alg�riens l��taient car ils ne pouvaient pas �chapper au courant de l�histoire. A l��poque, les jeunes Alg�riens au Maroc qui vivaient dans un cadre totalement ouvert �taient influenc�s par les courants politiques contemporains. Il y avait des id�es en l�air, celles du mouvement existentialiste de Jean-Paul Sartre comme celles du courant marxiste proprement dit. La promotion aurait pourtant bel et bien comport� des marxistes� Dire de quelqu�un qu�il est marxiste, c�est supposer, sans doute, qu�il a une formation marxiste mais, surtout, qu�il est structur� dans un mouvement communiste. Ce n��tait pas du tout le cas pour les membres de la promotion Larbi Ben M�hidi. Je me rappelle, tout particuli�rement, de mon compagnon Youb Rahal (Tewfik). Il �tait f�ru de marxisme mais pas pour autant structur� dans un parti marxiste. Tomb� au champ d�honneur, il avait, en effet, dans sa musette des paquets de cigarettes � il fumait beaucoup � et le fameux livre de Karl Marx Le Capital. S�il s�enflammait, il est vrai, lorsqu�il engageait une discussion sur les id�es marxistes, c�est plus l�exercice intellectuel qui l�int�ressait. C��tait un homme attachant et patriote jusqu�� l�infini. C�est avec �motion que je me rappelle de lui. La formation �tait francophone. Y avait-il des arabisants parmi les membres de cette promotion ? Pratiquement, non� � propos de cette promotion, juste pour l�illustration, pouvez-vous citer quelques noms de membres ayant eu une destin�e nationale ? L�un des membres les plus �minents de cette promotion fut paradoxalement et de facto, le colonel Houari Boumediene lui-m�me. Les cours �taient, en effet, enregistr�s aussi bien que les conf�rences donn�es tous les quinze jours par chacun des membres de la promotion. Houari Boumediene, qui avait succ�d� � Abdelhafidh Boussouf � la t�te de la Wilaya V, n�avait probablement pas le temps de s�occuper de sa propre formation pendant la journ�e. Il ne fallait pas, au demeurant, qu�il soit avec nous. Cela aurait fait un peu d�sordre. Je n�en veux pour preuve que les bandes magn�tiques qui partaient r�guli�rement tous les soirs au commandement de la wilaya et c��tait lui qui les supervisait. Il est clair que superviser, c�est �couter, donc, forc�ment, s�impr�gner du contenu. En v�rit�, il accordait �norm�ment d�importance � notre promotion. Il venait p�riodiquement nous rendre visite et il attachait un grand int�r�t � ce que la formation aboutisse dans les meilleures conditions possibles. A ce propos, racontez-nous quelques anecdotes sur les inspections de votre promotion par le colonel Houari Boumediene� �Alors les Arabes ! Ca va ?� c��tait l�expression favorite par laquelle le colonel Boumediene nous interpellait � chacune de ses visites toujours nocturnes. Les autres membres du commandement de la Wilaya nous rendaient visite �galement. Le commandant Slimane (Ka�d Ahmed) qui aimait, particuli�rement, notre compagnie n�h�sitant pas � engager de longues discussions avec nous en abordant les questions les plus ardues et les plus inattendues comme, avec un sens certain de l�anticipation, le th�me de �la r�forme agraire�. Le futur colonel Lotfi aussi se sentait proche de nous, mais c�est plus tard avec la mise en place du SLR de la Wilaya qu�il devint notre habitu�. Quels sont les membres de la promotion qui ont eu une destin�e nationale ? Il y avait, d�abord, ceux qui ont connu une carri�re au sein des services de renseignement alg�riens post-ind�pendance. Je peux citer notamment le regrett� Abdallah Khalef (Merbah), Ali Tounsi (Ghaouti), le d�funt Ahmed Zerhouni (Ferhat) et bien d�autres encore. Vous avez aussi les ambassadeurs de l�Alg�rie ind�pendante � travers Hadj Azzout (Nacer) et Mohamed La�la (Kaddour). Il y a au aussi d��minents membres du Conseil de la r�volution en la personne de Ch�rif Belkacem (Djamel), sans oublier les futurs ministres comme Abdelaziz Maoui (Sadek), Noureddine Delleci (Rachid) et Abdelhamid Temmar (Abdenour) et Abdallah Arbaoui (Nehru). Il y a eu, par contre, des membres de la promotion dont le destin fut tragique. Vous les �voquez avec �motion� Avec �motion, c�est peu dire� Treize de nos compagnons sont tomb�s au champ d�honneur. Ils sont morts � l�int�rieur du pays au cours d�op�rations militaires. Je crois que vous avez en main la liste de tous les membres de la promotion avec des pr�cisions sur ceux qui ont sacrifi� leur vie au service de l�ind�pendance de l�Alg�rie. Il faut absolument s�acquitter de ce devoir de m�moire qui consiste � cultiver le souvenir de ces h�ros. J�ai en m�moire, outre le nom de Youb Rahal (Tewfik) que j�ai �voqu� d�j�, celui de Mustapha Khalef (Chakib), un exemple singulier de courage. Fait prisonnier au cours d�une op�ration militaire en Alg�rie, il avait fait preuve de tant de conviction et de r�sistance voire d�insolence qu�il fut abattu au cours d�une �corv�e de bois�� Vous venez de r�veiller en moi le souvenir attachant de Yahia Mahmoud (Benamar), enfant unique d�une famille de grands commis de l�administration royale marocaine � Agadir et qui pr�sentait la particularit� de ne pas maitriser l�arabe, m�me dialectal. Apr�s notre formation, il fut d�p�ch� en territoire alg�rien et il s�int�gra si harmonieusement au sein de l�ALN en zone VII qu�il refusa de rejoindre les bases arri�res de la Wilaya V. Il mourut quelque temps plus tard au combat� Quelle est la nature de la formation militaire que vous aviez re�ue ? Nous �tions destin�s initialement, faut-il le rappeler, � servir dans le corps des contr�leurs de la Wilaya V � l�int�rieur du pays. Nous devions nous pr�parer, militairement, � assumer des t�ches op�rationnelles. C��tait le but de notre formation. C��tait tout le sens du stage militaire que nous avions subi et dont le ma�tre d��uvre fut, incontestablement, Abdallah Arbaoui dit Nehru, c��tait un sous-officier valeureux, d�serteur de l�arm�e fran�aise, un v�ritable baroudeur. Il est mort, il y a quelques ann�es � peine, d�une maladie incurable dans une grande solitude morale. Le programme militaire comprenait le combat de rue, la progression sur le terrain, le parcours du combattant, le maniement des armes et des explosifs, les marches de combat, les tours de garde, l�ordre serr�, le close-combat et m�me la pratique des arts martiaux. Abdallah Arbaoui �tait assist� d�un instructeur alg�rien form� en Egypte. Il s�agit du d�funt Ahmed Makari (Sadek). Il parlait en arabe �gyptien mais enseignait, � la perfection, le maniement des armes et des explosifs. Deux mati�res qu�il maitrisait gr�ce au stage qu�il avait suivi en Egypte avec celui qui n��tait encore que Mohamed Boukharouba. Nous go�tions au bonheur de manipuler des armes tout � fait modernes qui �taient tr�s efficaces contre l�arm�e fran�aise. Je cite les MG 34 et les MG 42 ; c��taient des mitrailleuses l�g�res utilis�es par l�arm�e allemande pendant la Seconde Guerre mondiale, particuli�rement efficaces contre l�aviation. Je cite aussi les armements disparates provenant d�Irak ou de Libye. Je pense � cette fameuse �Essefra�, la mitrailleuse Lewis anglaise de la Premi�re Guerre mondiale. Je ne saurais oublier ces fusils fran�ais de la Premi�re Guerre mondiale, surtout les 7/15 et les 88/93, qui �taient plus hautes que nous. C��tait un peu ridicule, bien s�r que nous n�allions pas utiliser ces fusils car nous allions trouver d�autres armes, sans doute plus modernes, � l�int�rieur du pays. La pratique des arts martiaux �tait, pour nous, un moment de plaisir. C��tait un instructeur sourd-muet, Fethi de son nom de guerre, qui nous initiait au close-combat. Je dois souligner que j��tais moi-m�me instructeur en armement et dans la progression en terrain de combat. J�avais suivi une pr�paration militaire approfondie que les Fran�ais nous offraient imprudemment, un cours de certificat interarmes et un autre cours de m�canique sur l�aviation militaire. Au moment o� je portais, aussi, un int�r�t intense � tout ce qui se rapportait � la guerre car je pressentais que, t�t ou tard, nous allions devoir combattre le colonialisme. Cela explique que vous ayez re�u une affectation en rapport avec des t�ches, exclusivement, militaires� Oui, peut-�tre. En tous les cas, cette passion de l�art militaire m�a caus� du tort. Je me rappelle que je me livrais � un exercice que j�appr�ciais par-dessus tout. Recopier des sch�mas �clat�s d�armement que je pr�levais d�un livre de r�f�rences de l�arm�e fran�aise qui contenait l�art de la guerre et des descriptifs d�armement. Quelqu�un avait imprudemment renvers� de l�encre de Chine sur ce livre pr�cieux mais c�est moi qui fus accus�. Je dus subir ma premi�re sanction dite �la sanction du tombeau �. Deux ou trois jours durant, il fallait rester couch�, jour et nuit, au fond d�une tombe avec une sentinelle au dessus de la t�te. Venons-en � la composition de l��quipe p�dagogique. Le commandant du centre �tait Laroussi Khelifa� Effectivement, c��tait lui le responsable du centre. L��quipe p�dagogique se composait, autrement, de Bela�d Abdesslam, Noureddine Delleci (Rachid), Abdelaziz Maoui (Sadek) et Mustapha Moughlam (Dja�far). Comme je le soulignais, Maoui, Delleci et Moughlam comptaient aussi parmi les stagiaires. Quelle �tait la substance du programme d�enseignement th�orique ? De mani�re sch�matique, cette substance correspondait � la r�partition des t�ches d�cid�e entre les membres de l��quipe p�dagogique. En premier lieu, Laroussi Khelifa �tait responsable du stage tout en dispensant un cours d�institutions politiques. Bela�d Abdesslam enseignait l�histoire du mouvement national alg�rien. Noureddine Delleci avait en charge l��conomie politique, Abdelaziz Maoui le droit et Mustapha Moughlam, l�histoire de l�antiquit�. La formation militaire �tait supervis�e par Abdallah Arbaoui. A propos, en quoi consistait le cours de Bela�d Abdesslam ? Vous venez vous-m�me d�en indiquer l�esprit, puisque vous dites que Bela�d Abdesslam vous a d�voil�, au cours d�un entretien, qu�Abdelhafidh Boussouf lui a notifi� l�instruction suivante : �Faites comprendre aux membres de la promotion que le 1er novembre 1954 n��tait pas tomb� du ciel��. Une consigne pleine de sens. Avec Bela�d Abdesslam, nous d�couvrions, �merveill�s, le mouvement r�volutionnaire alg�rien. Nous avions, auparavant, une tr�s vague id�e du PPA, du MTLD, du CRUA, de l�UDMA et des Ul�mas. Avec lui, nous �tions au c�ur des tensions et des divergences id�ologiques qui existaient au sein du mouvement national. Nous allions r�ellement dans le d�tail des choses en d�couvrant un monde nouveau. Nous comprenions les origines de la guerre de Lib�ration nationale � travers les racines lointaines du mouvement national qui remontaient jusqu�� l�Etoile Nord africaine. Incontestablement, le cours de Bela�d Abdesslam a �t� celui qui a laiss� la plus forte empreinte sur nos esprits. Il faut dire, par ailleurs que Mustapha Moughlam lui-m�me nous instruisait sur l�histoire �ternelle de l�Alg�rie qui remontait jusqu�� Massinissa et Youghourta. Pouvez-vous d�crire, plus en d�tail, les disciplines enseign�es ? C��tait un v�ritable patchwork. D�abord, la formation politique et administrative avec l�organisation territoriale et les institutions politiques et administratives. La Science politique avec toutes les probl�matiques li�es � l�organisation de la soci�t� (structures sociales, int�gration sociale, probl�mes ouvriers, formation politique et syndicale) et la communaut� internationale (l�Etat et la soci�t� internationale, les conflits internationaux, les organisations internationales). L��conomie politique avec m�me l��conomie sociale et la politique des revenus. L�histoire du mouvement national dont j�ai suffisamment parl� avec, enfin, l�histoire de l�antiquit�, enseign�e de main de ma�tre par El Hadi Moughlam qui nous conviait � une immersion passionnante dans la nuit des temps. En somme, vous �tiez satisfaits des enseignements que vous receviez ? Honn�tement, oui. C��tait, r�ellement, et j�insiste l�-dessus, des cours magistraux. Je n�avais jamais pens� que nous pouvions trouver, du c�t� des enseignants autant de rigueur dans le souci d�enseigner efficacement et, de notre c�t�, autant de souci de bien recevoir la formation, c'est-�-dire en s�appliquant le plus possible. Nous avions acquis de la hauteur de vue et nos convictions patriotiques s��taient renforc�es. Peut-�tre l�osmose qui existait avec le corps p�dagogique a-t-elle jou� un r�le. Abdallah Arbaoui qui assurait la d�fense et la s�curit� de la promotion n�en suivait pas moins, avec nous, les cours th�oriques. De m�me, je me rappelle, par exemple, je crois m�me que je garde la photo-de Noureddine Delleci participant, en tenue de combat, � un exercice sur la mani�re de s�introduire en armes dans une maison suspecte. En r�sum�, je consid�re que nous avions re�u une formation s�rieuse. Sur le plan th�orique, c��tait, quasiment, un enseignement du niveau de deuxi�me ann�e de licence de l��poque, parfaitement comparable � celui qui �tait dispens� au sein de l��cole nationale d�administration fran�aise. Sur le plan militaire, je n�exag�re pas en affirmant que nous avions suivi une formation plus valorisante que celle que les jeunes Fran�ais recevaient dans le cadre du cours de leur Certificat inter-armes. La seule contrainte que nous avions rencontr�e �tait celle du temps. Il fallait faire tr�s vite et cela ne permettait pas � l�ensemble des stagiaires d�acqu�rir, au m�me titre que la formation th�orique, l�exp�rience du combat. Quelles �taient vos conditions de travail au plan p�dagogique ? Je me souviens, surtout, de la comp�tence des professeurs qui ne m�nageaient pas leurs efforts pour nous transmettre leurs connaissances dans les meilleures conditions possibles. Certes, les conditions mat�rielles faisaient d�faut. Mais, nous disposions de la radio pour rester en contact avec le monde ext�rieur. Nous recevions, aussi, des bulletins qui nous parvenaient du commandement g�n�ral de la wilaya d�Oran, autre appellation de la Wilaya V. Ces bulletins nous servaient d�illustration pratique pour commenter les op�rations militaires de l�ALN et discuter du combat politique du FLN. Nous recevions, �galement, la presse. Un peu disparate. La biblioth�que �tait relativement fournie. Il est vrai qu�elle le sera beaucoup plus lorsque sera institu� le Service des liaisons et renseignements de la Wilaya V. Des grades vous avaient �t� attribu�s ? Non, naturellement. Cependant, nous manifestions le respect absolu � l�encadrement p�dagogique. Comme cet encadrement partageait avec nous la formation proprement dite, il existait entre nous une r�elle complicit�. Quelles �taient vos conditions de vie ? Vous perceviez une solde ? Vous b�n�ficiiez de permissions ? Nous recevions le n�cessaire pour notre hygi�ne et nous ne b�n�ficions pas de permissions, donc nous n�avions pas besoin de moyens financiers. Comment se d�roulait votre �valuation tout le long de cette formation ? Je pense que l��valuation se faisait sur le tas. Gr�ce, notamment, aux conf�rences p�riodiques pr�sent�es par les stagiaires. Tous les quinze jours, en effet, une conf�rence �tait pr�sent�e par l�un des stagiaires. Personnellement, je me rappelle avoir pr�sent� l�une de mes conf�rences autour du th�me �Grandeur et d�cadence de l�Empire ottoman�. Pourquoi avoir retenu ce titre et non pas un autre ? Pour une raison bien prosa�que. J�avais �voqu� l��tat du sultan Salim I rendant l��me �ivre mort� ; ce qui d�clencha, � mon grand �tonnement, l�hilarit� de mes compagnons. Il me fallait donc ensuite non seulement �corriger� mon fran�ais mais argumenter aussi la remarque ironique qui refl�tait l��tat d�esprit pr�valant au sein de l�empire ottoman d�cadent. Pour la partie militaire, c��tait plus simple. Je pense que nous �tions �not�s� au moment m�me o� nous accomplissions notre instruction. A l�issue de votre formation, quels crit�res ont pr�sid� � vos affectations ? Je me souviens d�une sc�ne pr�cise. A la fin de la formation militaire, un membre important du Commandement g�n�ral de la Wilaya V (je ne me souviens plus qui) s��tait pr�sent� avec une liste. Nous �tions au garde-�-vous et il �grenait les noms avec une affectation pour chacun. Au fur et � mesure, des groupes se formaient qui partaient vers des destinations donn�es. J�ignore � ce jour la mani�re dont la s�lection s�est effectu�e. Elle devait �tre probablement �tablie de mani�re tout � fait empirique.Une partie de la promotion dont Cherif Belkacem (Djamal), Hassen Bendjelti (Abderazak), Ahmed Bennai (Hassan), Sid-Ahmed Osman (R�zine), Mustapha Khalef (Kamel), Abderrahim Settouti (Bouzid) et Ali Tounsi fut dirig�e sur les maquis � l�int�rieur. Un autre partie fut affect�e � l��tat-major d�Abdelhafidh Boussouf pour constituer l�ossature du SRL de la Wilaya Vpuis, peu plus tard, des services de renseignements du Malg lui-m�me aussi bien � vocation militaire que politique. Enfin, quelques membres furent affect�s au CDF, Commandement des fronti�res. C�est a post�riori, seulement, que j�ai pu reconstituer cette r�partition. Il aurait �t� impensable de s�y int�resser � la question dans le contexte de l��poque. La fin de la formation a-t-elle donn� lieu � une c�r�monie ? Pas du tout. La formation a pris fin le 31 d�cembre 1957. Mais je me rappelle, seulement, du d�part des premiers groupes qui devaient rejoindre l�int�rieur du pays. J�ai eu connaissance, plus tard, des conditions singuli�res par lesquelles certains avaient rejoint leur affectation. Certains avaient �t� contraints d�apprendre � monter � cheval � comme Ali Tounsi � d�autres avaient franchi les fronti�res par des moyens de fortune, pas loin des barbel�s d�j� mis en place, efficacement. D�autres enfin sont mont�s � bord d�un camion pour s�enfoncer � l�int�rieur du territoire alg�rien � travers des zones o� les barbel�s n�existaient pas encore. Ceux qui �taient rest�s sur place ne savaient pas qu�ils allaient exercer au sein du nouveau SRL de la Wilaya V qui aura pour responsable Khelladi Mohamed (Tahar) assist� de Boualem Bessa�eh (Lamine). J�ai �t� moi-m�me affect� � la section militaire g�n�rale command�e par Safar puis d�sign� un peu plus tard comme chef du service LGR Est implant� � Ghardimaou et plac� pour emploi aupr�s de l��tat-major de l�ALN. Notre mission consistait � assister l��tat-major g�n�ral de l�ALN en le pourvoyant quotidiennement en renseignements op�rationnels. Votre promotion a fini, cependant, par constituer l�ossature des services de renseignement durant la guerre de Lib�ration nationale. Pensez-vous qu�Abdelhafidh Boussouf songeait d�j� � cet usage lorsqu�il avait d�cid� de mettre sur pied la promotion Larbi Ben M�hidi ? Nous avions re�u une formation polyvalente comme je l�ai d�j� �voqu�. Il est certain, cependant, que l�importance du renseignement a d�teint sur notre enseignement. Et, par la force des choses, sur notre utilisation plus tard. Abdelhafidh Boussouf avait saisi qu�il fallait absolument ma�triser la fonction du renseignement. Les liaisons comme le renseignement devenaient des fonctions vitales pour la survie du mouvement r�volutionnaire, cela, il l�avait bien compris. Abdelhafidh Boussouf pour avoir per�u t�t l�importance du renseignement avait donc une longueur d�avance sur ses compagnons� Pour �tre plus nuanc�, l�importance du renseignement a d� appara�tre � l�ensemble des chefs de l�ALN. Abdelhafidh Boussouf s�est distingu�, cependant, par son intuition psychologique ainsi que son g�nie organisationnel qui fut servi par la profusion de moyens dont il a pu disposer au Maroc. Il disposait, en effet, des �quipements de transmission acquis aupr�s des unit�s am�ricaines install�es au Maroc ainsi que la riche ressource humaine offerte par la communaut� alg�rienne �tablie dans ce pays. A cela s�ajoutent des possibilit�s offertes par le territoire marocain o� les centres de formation de l�ALN � et g�n�ralement toutes ses bases-arri�res, sans �tre totalement � l�abri de l�ennemi � quelques-unes furent d�ailleurs bombard�es � b�n�ficiaient d�une certaine protection. Revenons, plus sp�cialement, � la promotion Larbi Ben M�hidi. Vos compagnons �voquent un livre d�or� Ce livre d�or, Abdallah Arbaoui l�avait conserv� � la fin de la formation militaire. De quoi s�agit-il ? Au moment o� chacun d�entre nous s�appr�tait � rejoindre un destin dont il ignorait tout, nous devions �crire quelques lignes sur un registre pour livrer nos impressions. C��tait assez path�tique car nous savions que la mort pouvait nous attendre le lendemain. Pour ce qui me concerne, j�ai souvenir d�avoir �crit quelques lignes sur l�adh�sion au mouvement r�volutionnaire et l�ind�pendance, que nous savions certaine, de l�Alg�rie. Bien s�r, il est poignant de lire les lignes �crites par ceux de nos compagnons qui sont tomb�s au champ d�honneur. En ce sens, je crois que ce document est un patrimoine national. Il est, actuellement, d�tenu par l�Association des anciens du Malg. Vous consid�rez que la solidarit� de corps entre les membres de cette promotion a surv�cu � l��preuve du temps ? Ma r�ponse sera mitig�e. Cela peut sembler une r�ponse de circonstance, pourtant elle refl�te la v�rit�. Chaque fois que les membres de la promotion se rencontrent, ils se retrouvent avec beaucoup d��motion. Nous �voquons avec un esprit de fraternit� ce qui nous rattache. Il n�en reste pas moins que le destin nous aura dispers�s avec des itin�raires diff�rents qui nous ont �loign� les uns des autres. Forc�ment, la charge de la passion collective s�en ressent. Mais, transcendant ces impond�rables de la vie, nous ressentons ensemble le bonheur immense d�avoir contribu� de toutes nos forces � l�ind�pendance de l�Alg�rie. Nous l�avons fait sans chercher de compensation. Nous avions m�me, si vous le permettez, par humilit�, enfoui en nous-m�mes notre propre pass�. Certes, les contraintes du cloisonnement et la culture du secret nous ont toujours impos� une attitude de discr�tion absolue. C��tait la n�cessit� du combat. S�il arrivait qu�on nous pr�te un prestige ou une r�putation hors de commun, c��tait sous le b�n�fice de l�anonymat. Le temps n�est-il pas arriv� de mettre des visages sur tous les exploits r�ussis dans le domaine du renseignement par la r�volution alg�rienne ? Surtout lorsqu�il s�agit, � travers ces faits de guerre, de cultiver le souvenir de nos compagnons tomb�s au champ d�honneur� Justement ce prestige et cette r�putation vont vous co�ter apr�s l�ind�pendance. Des cadres du Malg, notamment ceux qui ont suivi cette formation, ont �t� pratiquement mis � l��cart apr�s l�ind�pendance. Vous m�avez montr� la fameuse lettre d�Abdelhamid Temmar o� il vous disait qu��il tra�nait la savate � Alger�. Pourquoi donc ceux qui sont appel�s les �malgaches�faisaient peur � ce point aux hommes politiques de l��poque ? Vous connaissez le proverbe �lorsque deux taureaux s�encornent, c�est l�herbe qui est pi�tin�e.� Rappelez-vous le contexte dans lequel nous avions rejoint l�ALN. Nous avions accept� de nous d�personnaliser et de nous mettre, sans murmure, � la disposition du mouvement de lib�ration nationale. Nous �tions tr�s jeunes � l��poque. Les chefs nous indiquaient la direction � suivre et le reste ne nous regardait pas. Nous n��tions pas des hommes politiques. Nous �tions des combattants au sens plein du mot. Nous n�avions jamais agi de notre initiative. Nous avons toujours ob�i � nos chefs. C�est cette culture du devoir avec la rigueur qu�elle implique qui constitue la source de nos d�sagr�ments. Mais je ne regrette rien de ce que j�ai accompli au service de mon pays. Si c��tait � refaire, j�effectuerais, en toute modestie, les m�mes choix. Au cours de l�entretien qu�il m�a accord�, Bela�d Abdesslam a �voqu� Si Merbah � l�image d�un grand bachoteur� Si Merbah �tait tr�s m�ticuleux, il n�y a pas plus m�ticuleux que lui. Plut�t que bachoteur, je dirais plut�t qu�il �tait intelligent, m�thodique et d�termin�. C��tait d�j� un homme de l�ordre, pr�destin� � ses futures fonctions. Il n��tait pas trop communicatif, mais il �tait tr�s humain. Incontestablement, le pays a perdu en lui un leader d�exception. Vous ne vous rappelez pas d�un souvenir cocasse intervenu au cours de la formation que nous venons d��voquer ? Le cousin de Merbah, Abdelkader Khalef (Kamal) a failli me tuer apr�s l�avoir install� comme sentinelle. Il fallait, en effet, donner le mot de passe en arrivant � sa hauteur. Comme c��tait l�obscurit� totale, je ne le voyais pas et je redoutais qu�il n�ait quitt� son poste. J�allongeais alors mon bras jusqu�� toucher un canon d�un fusil. C��tait le canon de son fusil au moment o� le d�clic de la queue de d�tente se faisait entendre. J�avais touch� le canon de son fusil, un 7/15, au moment o� il tirait sur moi. Je lui ai alors brusquement pris le fusil des mains et, ouvrant la culasse, je d�couvris avec stupeur, au toucher, que la cartouche venait d��tre tir�e mais n�avait pas �t� percut�e. Je venais d��chapper � une mort certaine. A propos de formation de cadres du renseignement au profit de l�ALN, il semblerait qu�une autre promotion ait vu le jour, plus tard, en 1958 en Tunisie� Il faut pr�ciser que la promotion Larbi Ben M�hidi n��tait pas destin�e exclusivement � former des cadres du renseignement. Son objectif consistait, en premier lieu, � am�liorer l�encadrement militaire de la Wilaya V. C�est sous l�emprise des �v�nements que ses membres furent d�vi�s vers des missions exclusives de renseignement. La promotion dont vous parlez remonte � l�ann�e 1958. Il s�agissait d�une vingtaine de stagiaires pr�lev�s sur le contingent destin� aux unit�s de l�ALN � l�Est. Ces vingt �l�ments ont �t� choisis en fonction de leurs aptitudes aux activit�s de renseignement. Parmi eux, des cadres qui occuperont d��minentes responsabilit�s, celles de chef des services de renseignement. Ces stagiaires ont suivi dans la banlieue de Tunis une formation sp�cifique dispens�e par des enseignants o� figuraient des cadres de la promotion Larbi Ben M�hidi, Abdelaziz Maoui (Sadek), Ahmed Zerhouni (Ferhat) et Mohamed Morsly (Abdelaziz). Ces stagiaires ont �t� affect�s � des t�ches li�es, strictement, au renseignement militaire dans le cadre de la mise en place des unit�s de combat au titre du COM Est et du COM Ouest puis de l��tat-major g�n�ral de l�ALN. Plus tard, vers 1961, ce fut la fameuse promotion dite �Tapis rouge� � la faveur de laquelle, pour la premi�re fois, des cadres alg�riens du renseignement ont pu suivre une formation de type classique aupr�s d�un service de renseignement �tranger ayant pignon sur rue, en l�occurrence le KGB. Si j�ai �voqu� cette succession de promotions, c�est pour bien d�montrer que la promotion du capital intellectuelle du cadre du Malg a �t� une pr�occupation constante chez Abdelhafidh Boussouf. Les remarques r�currentes qui distinguent entre combattants de l�int�rieur et combattants de l�ext�rieur vous affectent-elles ? Au plan de la raison, je me suffis de renvoyer les auteurs de ces remarques au contexte de l��poque. Nous avions rejoint l�Arm�e de lib�ration nationale sans pr�juger de la mani�re ni du lieu o� nous allions �tre dirig�s pour servir � la lib�ration du pays. Dans nos affectations, la part de l�impond�rable �tait totale. Nous n�avions nullement le droit de discuter de notre affectation. Nous n�y pensions m�me pas. Si ces critiques veulent sugg�rer que nous �tions des �planqu�s�, il leur faut s�informer davantage sur le d�roulement de la guerre de Lib�ration. Pourvoir les organes dirigeants de la R�volution en renseignements fiables et garantir en m�me temps leur s�curit�. Telle �tait notre mission que nous avons accomplie gr�ce aux exploits r�alis�s par les cadres du Malg dont l��pop�e sera, un jour, connue. Au plan �motionnel, cette fois, les remarques que vous �voquez soul�vent en moi une montagne d�amertume. C�est le souvenir de mon jeune et intr�pide compagnon Benaroussi M�hammed (Lamine) qui me vient � l�esprit. Benjamin de la promotion, �g� � peine de 17 ou 18 ans, nous l�appelions �l�Ange�. Arr�t�, les armes � la main, en Wilaya V, il fut ramen� � Alger puis abattu de sang-froid au Casino sur la corniche alg�roise qui servait de lieu de torture pour les unit�s DOP de sinistre renom. Nous �tions, en fait, anim�s par un tel esprit de discipline que chacun des membres de la promotion aurait pu se trouver � la place de ce jeune compagnon qui fut assassin� de sang-froid. Finalement, nous pouvons retenir que l�histoire de la premi�re promotion de cadres de la Wilaya V et l��pop�e des services de renseignements durant la guerre de Lib�ration nationale sont intimement li�es au nom d�Abdelhafidh Boussouf. Avec le recul, quels sentiments �voque en vous cette figure disparue de la R�volution ? Un sentiment de grande admiration. Il fut, en effet, un mod�le d�engagement et d�exigence. Un sentiment de reconnaissance, aussi. Il nous a inculqu� le sens du sacrifice pour la patrie et la passion du travail parfait. Sans l�empreinte d�Abdelhafidh Boussouf qui nous a, pour ainsi dire, fa�onn� � son image, nous n�aurions jamais pu nous distinguer � travers le d�vouement, la d�termination et la rigueur qui nous furent reconnus. L�aspect le plus m�connu d�Abdelhafidh Boussouf concerne, cependant, le d�tachement qu�il a manifest� vis-�-vis de l�exercice du pouvoir. A la veille de l�ind�pendance, il avait refus� de s�impliquer dans le conflit qui opposait l��tat-major au GPRA qu�il assimilait � une lutte fratricide. Il nous avait express�ment recommand� une attitude de neutralit�, nous adjurant, avec une rare conviction, de regarder r�solument vers l�avenir en r�servant nos forces � la reconstruction de l�Alg�rie. Consid�rez-vous comme normal que le silence continue d��tre entretenu � propos de l�histoire des services de renseignements alg�riens pendant la guerre de Lib�ration ? De m�me que Bela�d Abdesslam nous avait enseign� que le 1er Novembre �tait le r�sultat d�un processus historique o� nos a�n�s avaient jou� un r�le essentiel, de m�me avons-nous le devoir de convaincre nos cadets que la lib�ration du pays est le r�sultat du sacrifice de ceux qui, plus �g�s qu�eux, dans les rangs de l�ALN et du FLN, ont combattu vaillamment, parfois, jusqu�� mourir au champ d�honneur. Je crois que nous sommes arriv�s � un point o� le voile finira par �tre lev� sur tous ces aspects m�connus de la guerre de Lib�ration nationale. Si auparavant le silence avait �t� maintenu, c�est probablement qu�il existait d�autres priorit�s. Aujourd�hui, nous sommes parvenus � un degr� d��volution dans les consciences qui nous permet d�examiner sereinement l�histoire de notre pays. Dans toutes ses dimensions et sans complexe. Nous pouvons �voquer beaucoup de choses sans avoir � en rougir car l�histoire de nos services de renseignement est jalonn�e de faits de guerre. Certes, ce que nous avons accompli et dont nous pouvons t�moigner est insignifiant en comparaison du sacrifice de ceux qui ont perdu leur vie. Je ne doute pas, de ce point de vue, que la jeunesse alg�rienne est avide d�exemples capables de la r�concilier avec la fiert� nationale. Pour �tre pass� par elle, je connais bien l��tape d�cisive de la jeunesse o� toute la vie est questionnement. Je ne doute pas que celui-ci conduirait nos cadets interpell�s par le devoir national � livrer, sans h�siter, le m�me combat que celui que nous avions livr�, mes compagnons et moi-m�me. M. C. M. Bio-express du colonel Ali Hamlat alias El-Hadi, alias si Yahia N� � Alger en 1936, le colonel Ali Hamlat passe son enfance � Maison-Carr�e (El-Harrach) o�, tr�s t�t, il est initi� � la cause nationale dans les rangs des Scouts musulmans alg�riens. Il rejoint le Maroc � l��ge de 12 ans o� son oncle s��tait �tabli. El�ve en math�matiques et techniques dans un lyc�e de Mekn�s, il profite de sa formation de certificat interarmes dispens�e aux lyc�ens par l�arm�e fran�aise implant�e au Maroc pour s�impr�gner des techniques de guerre et d�armement. F�ru de connaissances scientifiques et techniques, il est aussi brevet� de l�enseignement industriel. Apr�s la gr�ve de l�Ugema dont il fait partie, il rejoint, en 1957, la Wilaya V pour int�grer, aussit�t, la premi�re promotion des cadres qui venait d��tre form�e. A l�issue de cette formation, il participe � la mise en place du Service des renseignements et liaisons du commandement g�n�ral de la wilaya de l�ouest, puis est d�sign� chef du service LGR Est (Liaisons g�n�rales et renseignement), structure op�rationnelle du Malg plac�e pour emploi aupr�s du commandement de l�ALN � Ghardimaou. Il suit, � la fin de l�ann�e 1961, au sein de la promotion �Tapis rouge�, une formation sp�cialis�e destin�e aux cadres du Malg dans l�ex-Union sovi�tique. A l�ind�pendance, il choisit de continuer sa carri�re au sein de l�ANP et se voit confier la responsabilit� des services techniques de la direction de la S�curit� militaire. Parall�lement, il suit des �tudes de droit � l�Universit� d�Alger. Apr�s la mort du pr�sident Boumediene, il est d�sign� en qualit� d�attach� de d�fense, respectivement � Cuba, en Tch�coslovaquie et en Allemagne, avant de prendre sa retraite. Le colonel El-Hadi �crit actuellement ses m�moires tout en se consacrant � la F�d�ration alg�rienne de tir sportif qu�il pr�side.