« Lundi (demain : ndlr) au plus tard, les troupes seront là-bas (...) Nous devons reprendre le Nord du Mali occupé par les islamistes », annonce Ali Coulibaly, le ministre ivoirien de l'Intégration, dont le président, Alassane Ouattara, occupe la présidence tournante de la Cédéao. François Hollande expliquera, demain, au Parlement français, « ses intentions ». Les Etats-Unis, qui partagent les objectifs de la France, envisagent d'aider la France par un appui logistique et des drones de surveillance et la possibilité de lui fournir des renseignements, du ravitaillement en vol et d'autres appuis. Selon des analystes, cette opération pourrait s'amplifier et durer plusieurs mois. Le dossier malien, en veilleuse au Conseil de sécurité depuis le 20 décembre 2012, date de 'adoption de la résolution 2085 qui autorise un déploiement de 3 300 hommes de troupes mais par étapes, et après un dialogue avec des groupes armés qui se démarquent du terrorisme et de la partition du pays, revient sur les devants de l'actualité. En s'emparant de la ville de Kona, jeudi dernier, et menaçant de continuer leur offensive vers le Sud, les groupes armés islamistes, qui occupent, depuis mars 2011, 70% du Mali, ont bousculé l'agenda de l'intervention militaire prévue « pas avant septembre, octobre », selon Romano Prodi, l'envoyé spécial de l'ONU au Sahel. « On nous a imposé la guerre », déclare, dans un discours à la nation, Diouncounda Traoré, le président malien par intérim, après avoir demandé à la France d'intervenir. Aussitôt demandée, aussitôt satisfaite. L'armée malienne, qui a repris Kona, après « une centaine de morts » dans les rangs ennemis, admet que le déploiement de troupes « amies » a inversé le rapport de forces dans la contre-offensive. Notamment le « décisif » soutien terrestre et aérien des Français qui ont déclenché leur contre-attaque à partir de Sévaré, une localité à 70 km au sud de Kona. Selon Jean-Yves Le Drian, le ministre français de la Défense, ce « soutien » baptisé « Serval », qui a un commandement au « niveau tactique », basé au Mali, et un « stratégique », à Paris, devrait comporter quelques centaines de soldats. Leur premier haut fait d'armes : raids menés par des hélicoptères « contre une colonne de terroristes se dirigeant vers le Sud ». Cette opération, qui a permis, selon lui, « la destruction de plusieurs unités » terroristes et « stoppé leur progression », s'est soldée par la mort d'un pilote d'un hélicoptère de l'armée française. Traoré sonne la mobilisation générale « Je l'ai dit et répété, la guerre n'est pas notre choix. Notre choix, c'est la paix, encore la paix et toujours la paix. Mais on nous impose la guerre (...). En accord avec la Cédéao, j'ai sollicité et obtenu l'appui aérien de la France dans le cadre de la légalité internationale. Courageusement, nos forces armées, les fils de ce pays, font face à la situation. Au prix de leur sang, au prix de leur vie, ils défendent la patrie menacée », annonce, dans un message à la nation, Dioncounda Traoré, qui a « décrété vendredi soir l'état d'urgence » et « sonné la mobilisation générale autour de la grande armée malienne » pour « pour faire obstacle, au prix du sacrifice ultime s'il le faut, à ce projet criminel ». Traoré ne croit plus au dialogue avec les groupes armés. « Plusieurs mois durant, nous avons exploré laborieusement les voies et moyens susceptibles de parvenir à des compromis dynamiques avec les groupes armés, mais en insistant sur le fait que ces compromis ne pourraient en aucun cas remettre en cause les préalables fixés, peine perdue », dit-il. « Les groupes armés islamistes, qui prônent l'application de la charia, sont restés sourds à nos offres de dialogue » car « ils veulent étendre leur projet criminel à l'ensemble de notre pays ». « L'intervention durera le temps nécessaire », déclare François Hollande insistant sur la légalité de sa décision (article 51 de la charte des Nations unies). « Les terroristes doivent savoir que la France sera toujours là quand il s'agit de défendre la liberté », dit-il avant d'expliquer pourquoi son pays s'engage dans la guerre. « Le Mali fait face à une agression d'éléments terroristes, venant du Nord, dont le monde entier sait désormais la brutalité et le fanatisme. Il en va donc, aujourd'hui, de l'existence même de cet Etat ami, le Mali, de la sécurité de sa population, et celle également de nos ressortissants. Ils sont 6 000 là-bas », dit-il. Mais les contours de cette « entrée en action » restent flous. La France ira-t-elle jusqu'à aider le Mali à reconquérir son Nord ? Serge Michailoff, un spécialiste du Sahel, met en garde contre « un risque réel d'embourbement » Le Mali évitera-t-il la guerre ? Oui répondent plusieurs observateurs. Selon eux, les chances de paix ne sont pas totalement écartées. Outre la feuille de route du Conseil de sécurité qui insiste sur des négociations sérieuses avec les groupes maliens non extrémistes du Nord du pays, ils citent la rencontre entre le gouvernement malien et les groupes armés islamisyes, prévue pour le 21 janvier à Ouagadougou (Burkina Faso) et la réunion à Adrar des notables des tribus du Nord-Mali en présence des cheïkhs et notables des régions d'Adrar et Tamanrasset.