Tripoli vit le temps de l'isolement. Elle se vide de toute présence étrangère qui laisserait à penser à une normalisation en douceur de la nouvelle Libye vouée au diktat des milices ou au chantage islamiste désormais perçu comme une réalité tangible. La coalition occidentale, qui a légitimé son intervention par la mission de démocratisation de la Libye, prend la pleine mesure de la nouvelle menace jugée « spécifique et imminente ». « Les informations étaient suffisamment fiables pour justifier un message passé à nos ressortissants de quitter la région de Benghazi et de se mettre en lieu sûr », a expliqué, lors d'un point depresse, Philippe Lalliot, porte-parole du ministère français des Affaires étrangères. Face aux risques d'attentats et d'enlèvements, plusieurs pays occidentaux ont appelé leurs ressortissants à quitter Tripoli. Le tempo a été donné par l'Allemagne, suivie par la France, les Pays-Bas et l'Australie. Le départ massif a surpris les autorités de transition libyenne qui crient à « l'exagération ». De Davos, où il prend part aux travaux du Forum économique mondial, le Premier ministre libyen, Ali Zeidan, dit comprendre les mesures prises par certains pays occidentaux. Mais, dans une déclaration reprise par l'agence Lana, il a souligné que « la réalité est que ces personnes de nationalité étrangère vivent très pacifiquement en Libye et qu'il y a des mesures de sécurité pour les protéger ». Pour le colonel Mustapha Al-Rakik, directeur de la sûreté à Benghazi, le devoir de protection des représentations diplomatiques s'avère une tache délicate. En pleine turbulences, la transition souffre de l'instabilité endémique et de la persistance de la violence qui a notamment ciblé les organisations onusiennes et les diplomates étrangers en poste, dont l'attaque du consulat américain du 11 septembre 2012, ayant coûté la vie à 4 Américains dont l'ambassadeur Chris Stevens, et l'attentat perpétré le 12 janvier dernier contre le consulat italien révélent l'étendue de la menace. Que signifie le départ précipité des ressortissants occidentaux ? Pour des analystes libyens, le processus d'évacuation s'interprète comme « une mesure préventive précédant une intervention militaire américaine contre les groupes radicaux qui pullulent à l'est libyen, en particulier à Derna », présentée comme le fief des djihadistes.