Elles sont dentellières depuis plusieurs générations du côté paternel. Zineb avec ses sœurs et ses cousines ont repris le flambeau de cette activité si chère aux citadines et à la petite bourgeoisie terrienne, «Nass el djenayene». Dans la petite agglomération de Chaawa au cœur de la Mitidja ouest, les dentellières font des merveilles. Zineb Benslimane, maman d'une lycéenne de 17 ans, Nour El Houda est l'une d'elles. Cette jeune femme issue des Ben Chaawa, vit dans un coquet village tout de verdure et d'arbres fruitiers. Les abricotiers et les pêchers sont à profusion. Zineb a été scolarisée à Bou Ismail chez son grand-père imam, jusqu' à la classe de terminale. Elle n'eut pas de chance au Bac présenté deux années consécutives. Elle se maria mais n'eut pas de chance dans son union. Jeune chef de famille, de retour sous le toit paternel, elle se mit réellement à apprendre le métier de dentellière pour gagner sa vie, dont elle n'avait que des connaissances superficielles. Elle est aujourd'hui une dentellière confirmée et reconnue. « Chbika », la dentelle algérienne est un art. Une activité difficile pour la vue et le dos. A la fin, les vieilles artisanes se retrouvent avec acuité visuelle bien faible et une arthrose. Qu'à cela ne tienne. C'est un métier aux gains conséquents. Ainsi, le prix pour d'une «camisoura», une veste –caraco en dentelle, vêtement incontournable dans le trousseau d'une mariée à Koléa, Blida, Médéa, Cherchell … est de environs 6 millions de centimes. Pour une durée de travail de 6 mois. Parures de draps, nappes et napperons , couvre-lits, manchettes, bordures de «haïk mrama», «aadjayars», et tout récemment des caftans à la mode des mansouriahs marocaines et, élégance oblige, petits mouchoirs, sont les commandes que Zineb reçoit. La corporation des dentellières fait de la solidarité une condition indétournable. En effet, Zineb qui travaille avec sa sœur célibataire sollicite ses cousines pour de grands ouvrages. La réciprocité est de mise. Ainsi, le code du compagnonnage des artisanes de la Mitidja est honoré depuis des décennies. La broderie à la main, réalisée à l'aide d'un tambourin s'inscrit dans les travaux d'aiguille que la jeune femme réalise pour subvenir aux besoins de sa famille élargie. Grâce à son talent de dentellière, Zineb a pu exposer au Qatar et aux Emirats. Elle a même offert à la reine Sofia d'Espagne une tenue algéroise en dentelle et «sarouel chelqa» ainsi que «mahermat leftoul», large foulard en soie orné de longues franges. Zineb est ambitieuse. C'est pour cette raison qu'elle a pu bousculer les us et coutumes de son village natal Chaawa. Une circonscription plus que traditionnelle. Son vœu le plus cher ? Créer une école de formation de dentellière. Encore faut-il qu'elle ait les moyens nécessaires. Ah, oui ! Une autre corde à son arc. Elle va publier son deuxième magazine d'initiation sur la dentelle, le premier étant déjà sur le marché.