Même les représentants de la coordination de wilaya des boulangers n'ont pas été tenus au courant de ce débrayage, et on assiste vraisemblablement à un nouveau bras de fer entre les commerçants et les pouvoirs publics qui ne veulent pas entendre parler de l'augmentation du prix du pain. Le bureau de la coordination de wilaya estime toutefois que cette réaction des boulangers est légitime après la fermeture des cinq boulangeries de la commune d'Aïn Smara. En effet, les boulangers de Constantine qui appliquent la nouvelle tarification décidée dans tout le territoire depuis le 1er mars – la baguette passe de 7,5 à 10 DA - soutiennent cinq de leurs collègues qui ont été sanctionnés par la direction du commerce pour avoir affiché les nouveaux prix. Les forces de l'ordre sont même intervenues samedi dernier au matin pour fermer les commerces. Les boulangers ont immédiatement répliqué en gelant leur activité et ont organisé un sit-in devant la direction du commerce sise dans la zone industrielle Palma. Ils ont notamment exigé que la nouvelle tarification - appliquée selon eux dans la plupart des wilayas du pays - touche aussi la wilaya de Constantine, et ont menacé de poursuivre leur grève le temps qu'il faut s'ils n'obtiennent pas gain de cause. Ce mouvement de grève des boulangers a, en tout cas, suscité la colère des citoyens, obligés une nouvelle fois de recourir aux revendeurs ambulants qui sillonnent les trottoirs et les marchés du centre-ville. Ce pain vendu à 10 DA, voire plus, est le produit de boulangeries travaillant au noir et est souvent de qualité douteuse. Toujours est-il que les boulangers sont plus que jamais déterminés à aller jusqu'au bout pour imposer leurs tarifs, déjà que depuis quelques jours, certains d'entre eux ont transgressé la réglementation en augmentant le prix de la baguette à 10 DA. Les boulangers de la wilaya de Constantine n'ont cessé, depuis plusieurs années, de tirer la sonnette d'alarme, s'inquiétant de leur avenir et celui de tout un métier. La liste des boulangeries dans la ville des Ponts qui ont baissé rideaux ne cesse de s'allonger, et il est à craindre que d'autres leur emboîteront le pas : « La cinquantaine de boulangeries encore en activité à Constantine ne subsiste que parce que c'est un héritage familial. La marge bénéficiaires n'est pas intéressante, c'est pour cette raison qu'il y a peu de commerçants qui se lancent dans cette activité » nous explique un boulanger du centre- ville. Il faut dire que même la coordination des boulangers recommande à chaque fois la révision du prix de la baguette de 7,5 DA fixé en 1996 : « C'est vrai que l'Etat soutient le prix de la farine, mais que dire des autres ingrédients tels que le sel et l'huile, cela sans parler du transport et des factures de l'électricité, du gaz et de l'eau. Ces charges nous ont ruinés » déplore notre interlocuteur. Nous avons constaté de ce fait que plusieurs boulangeries du centre-ville n'ont pas repris le travail.