L'artiste auquel vient d'être attribué l'Olivier d'Or ne découvre pas l'univers du cinéma. Sans avoir tenu de rôles de premier plan, il a déjà fait des apparitions depuis une vingtaine d'années dans de nombreux films. De « Ali au pays des mirages » de Rachedi sur l'émigration qu'il a tant chantée à « Ben-Boulaid ». Dans d'autres films tant algériens qu'étrangers, ses musiques ont servi de fond sonore. L'artiste a cette faculté d'être resté proche de beaucoup d'artistes et d'avoir toujours compté parmi ses proches et amis, des écrivains, des journalistes, des peintres ou des cinéastes. Avec son court métrage « Banc public » que vient de récompenser le jury du festival du film amazigh, l'homme révèle une autre facette de son talent multiple. L'œuvre a été tournée à Béjaia, la ville qui l'a vu naître en juillet 1947. Comme dans les romans, à l'âge de vingt ans, il avait quitté cette ville ouverte à toutes les influences pour aller de l'autre côté, à Marseille où il se frotte au monde musical français. Il est demeuré comme de nombreux hommes de sa génération fidèle aux chanteurs de cette époque. Sa proximité avec Leo Ferré est connue. Est-ce vraiment un hasard si la chanson célèbre de Brassens, « 'Les amoureux du banc public », accompagne son film ? Le musicien fera partie à partir de 1973 année de sortie de « Maradyoughal » (quand il reviendra) de la vague de musique moderne kabyle. Si ses mélodies ont été toujours été appréciées, d'aucuns lui ont toujours reproché d'être demeuré en retrait des thèmes de l'identité. Un faux et injuste procès, car par sa seule consécration et son aura à l'échelle nationale et internationale l'homme a beaucoup apporté au combat sur le rétablissement de l'identité. L'artiste se veut un militant à sa façon. Par l'amitié, l'ouverture vers les autres, les chants dédiés à la tradition, à la beauté et aux rêves, il a su se forger une personnalité artistique attachante. Je me rappelle un jour avoir apprécié une de ses réponses à la question de savoir quelle place occupe l'amour dans son œuvre. « L'amour ce n'est pas seulement la relation, les sentiments qui naissent entre un homme et une femme. Le murmure de l'eau d'une fontaine, des youyous pour saluer, une mariée, un nouveau-né ou le mawilid (titre d'un de ses albums) l'est aussi ». Un de plus célèbres titres de ces dernières années « Djawhara », écrit par Kamel Hammadi célèbre la beauté d'Alger. « Banc public » est un concentré de Djamel Allam. On y décèle tout à la fois son amour (justement) de Bougie, son combat pour le respect de la femme algérienne, de sa liberté et de son droit au bonheur simple. Pourquoi n'aurait elle pas le pouvoir de prendre l'air sans qu'un défilé d'hommes malintentionnés ne perturbe sa quiétude ? On y voit à un moment dans une scène symbolique l'intrusion du djilbab qui bouscule les tenues de l'authenticité. Lors d'une intervention à la salle de la maison de la culture après la projection de son film, il a redit son rejet de l'islam agressif qui cherche à imposer tout au doigt et à l'œil. On reste aussi rêveur. La vie de Djamal Allam peut faire l'objet d'un film, à tout le moins d'un documentaire. Comment personne n'y a, jusque-là, songé ?