Déjà, dans nos bons vieux souks hebdomadaires ruraux, datant de l'époque coloniale, elle était pratiquée par des gens humbles, qui ne disposaient pas suffisammant d'argent pour aller régulièrement chez le médecin. Même si elle continue de susciter une vive polémique, entre partisans et adversaires, elle est toujours de mise. Selon Ammi Ahmed, un vieux et ancien hadjam de souk, qui pratiquait, également, la circoncision de manière rudimentaire, « la saignée qu'on pratiquait avec de vieilles cornes d'animaux adaptées rendait d'énormes services aux pauvres, parce qu'elle les débarrassait de tout le « mauvais » sang qui stagnait au niveau de la nuque ou dans le dos ». Pour expliquer la chose, il ajoute qu'« après avoir pratiqué de légères incisions avec une lame qu'on stérilisait, au préalable, à l'aide de coton imbibé d'alcool, on aspirait dans les cornes fixées sur la nuque pour tirer le sang. J'ai exercé ce métier pendant une vingtaine d'année mais, Dieu merci, je n'ai jamais eu de problèmes avec mes patients ». Autres temps, autres mœurs, aujourd'hui, les ventouses en verre ont remplacé les cornes. Néanmoins, le procédé est le même : opérer des incisions épidermiques superficielles sur des points précis du haut du dos et à y appliquer des ventouses afin d'aspirer le sang. Scientifiquement, la hidjama est appelée incisiothérapie. Le procédé thérapeutique est le même, sauf qu'il est pratiqué par des médecins lesquels, normalement, veillent à la stérilisation des instruments utilisés. A Oran, l'engouement est tel que de nombreuses « cliniques » ou des « échoppes de barbiers » ont ouvert, un peu partout à travers toutes les communes de la wilaya. Le prix d'une saignée varie selon les « cliniques ». Cela va de 600 à 3.000 DA. Selon un généraliste, qui a également adopté l'incisiothérapie, « une bonne saignée doit se pratiquer pendant les jours impairs du printemps et être renouvelée trois fois ». Le coût ? 1.000 DA la séance. Et notre médecin d'ajouter que « cette opération exige beaucoup d'hygiène et de précision pour éviter de toucher les veines et autres vaisseaux sanguins sensibles ». Cependant, cette pratique n'est pas toujours sans risque. C'est l'autre côté du miroir. En effet, si de plus en plus de personnes s'adonnent à la saignée, il reste que cela ne se fait pas toujours sans complications. Surtout, si elle est l'œuvre de charlatans. Ce qui n'est pas rare. Très alléchés par ce commerce juteux, beaucoup de charlatans ont épousé ce métier, faisant de l'ombre aux spécialistes. Il se trouve même des hadjams qui utilisent l'oignon comme antiseptique, ce qui peut véhiculer des maladies transmissibles, telles que l'hépatite ou le sida. Dernièrement, à Oran, une femme a été contrôlée séropositive et, selon ses déclarations, elle aurait contracté cette « saloperie » chez un « hadjam ». Selon un travail réalisé pour la FOREM, par le Pr Mustapha Khiati, et qui consistait à étudier les risques encourus par les patients, 7 malades sur 10 risquent de contracter le sida, à cause des conditions déplorables dans lesquelles la saignée est pratiquée. Lorsque les conditions minimales d'hygiène ne sont pas respectées, le malade peut choper toutes sortes de maladies transmissibles par le sang. Cette vision est, généralement, défendue par les médecins spécialistes, comme le Conseil de l'ordre de Tlemcen qui, il y a quelques années, a « décrété » que la « hidjama » n'est rien d'autre qu'une agression contre l'intégrité physique humaine. Mais beaucoup de praticiens ne sont pas d'accord avec ce point de vue, qu'ils disent « dirigé contre la religion musulmane ». Leur sentence se veut sans appel : « Le prophète Mohamed (QSSSL) la pratiquait régulièrement. Il suffit, juste, de réunir les conditions d'hygiène requises ». A la différence des médecins « laïcs » qui facturent leurs services plusieurs centaines de dinars, les hadjams d'obédience islamique n'encaisse aucun dinar. Ils font ça pour rendre service et « mériter le paradis », soutiennent-ils.