Sangsue - L'activité de la hidjama en milieu populaire prend de l'ampleur. Pratiquée dans des lieux ne répondant à aucune norme hygiénique, elle se multiplie davantage. Il est 19 heures passées, la salle est presque vide. Le décor change encore une fois. Des ventouses en verre et quelques bistouris prennent la place de cette panoplie de djaoui, de fsoukh et tutti-quanti. Les patients doivent se mettre torse nu, puisque les femmes ont quitté les lieux. C'est à l'aide d'un bistouri que ce nouveau «chirurgien» à la barbe pas taillée du tout, ouvre une petite ouverture au dos du patient. A l'aide d'une ventouse qu'il chauffe avec un bâtonnet de coton imbibé d'alcool, il aspire le sang du patient. Devant cette image qui se passe sous nos yeux, nous avons confirmé que le charlatanisme est une maladie qui ronge notre société comme un cancer. Ce charlatanisme qui vise à absorber, aspirer ou extraire du sang est devenu, malheureusement, une tradition curative, et faute de contrôle, comme une médecine d'un passé lointain. Les patients défilent les uns après les autres. Pour certains, c'est au niveau de la nuque que le sorcier extrait du sang et pour d'autres, c'est à partir de la tête. Rideau. Le spectacle est terminé. La salle se vide, le sang jeté dans un levier. La femme de ménage va redonner au salon sa vocation initiale et pour les odeurs, c'est des désodorisants qui vont faire l'affaire. Dehors, quatre voitures luxueuses vont transporter ces énergumènes d'un autre âge. a«La hidjama soulage le patient du mauvais sang agglutiné au dos entravant la circulation sanguine, mais cela peut engendrer d'autres maladies», nous dit un professeur en chirurgie au centre Pierre et Marie curie d'Alger (CPMC). Interrogé, le charlatan qui pratique cette «médecine illégale» nous répond que le Prophète (QSSSL) l'a recommandée aux musulmans. Certes, «mais les progrès de la science ont démontré que cette saignée est la source de plusieurs maladies dans le cas de l'utilisation d'une lame non stérilisée ou d'une ventouse mal conçue», ajoute le professeur du CPMC. Ce dernier n'y va pas avec le dos de la cuillère pour fustiger les charlatans et les responsables du secteur de la santé. «Les charlatans qui pratiquent la saignée sont connus, mais qui doit intervenir ? Au ministère de la Santé, c'est le dernier de leurs soucis». Et d'ajouter d'un ton coléreux : «Les conséquences qui découlent de ces marginaux des sciences parallèles sont énormes. C'est nous qui sommes traités de charlatans par ces personnes qui propagent ce virus. Démontrez-moi scientifiquement que la hidjama peut guérir et j'enseignerai cette science à mes étudiants de l'université. Pratiquée par des barbus, en majorité illettrés, la saignée est devenue un commerce florissant sous le regard impuissant de nos responsables, pour ne pas dire sous leur regard complice», tempète notre interlocuteur.