Le scénario du chaos et de la « guerre civile globale » a ébranlé la cohabitation séculaire des « frères ennemis » sunnites et chiites. Le socle identitaire fissuré a laminé l'Etat séculier voué à l'effondrement et à une balkanisation rampante. Trois ans après le retrait des G'Is du « bourbier irakien », l'Irak flambe de toutes parts : le retour aux années de feu de la guerre civile (2006-2009). L'incendie de Howeijah, à Kirkouk, marqué par l'assaut meurtrier de l'armée délogeant les protestataires sunnites, a ravivé la rivalité accrue : plus de 200 morts en 5 jours de violence provoquée par le cycle infernal de l'intervention et des représailles sunnites dans leurs bastions de Ninive (Mossoul), Salaheddine (Tikrit) et Anbar. A Ramadi, dans la province d'El Anbar, la mort de 6 soldats et de 5 membres de la Sahwa a relancé le retour sur scène des milices. La ville de Souleiman Pak, au Nord, revendiquée par les communautés arabe et kurde, a été même prise par des insurgés avant qu'elle ne soit récupérée. Des mosquées sunnites à Baghdad et dans sa banlieue sont attaquées. Au Nord, à Kirkouk, le déploiement des forces de sécurité se légitime par les urgences sécuritaires avancées par le secrétaire général du ministère des Peshmerga au Kurdistan autonome, Jabbar Yawar. Le brasier consolide la fracture confessionnelle et communautaire qui en paie le prix lourd : 70.000 morts depuis mars 2011, selon l'ONU. La déferlante sanglante, jamais vécue depuis l'intifada sunnite, lancée en décembre 2012, tend à la radicalisation du camp sunnite, rangé derrière l'étendard de « l'armée des Naqchabandis », une confrérie soufie originaire du sous continent indien, prête à agir pour « nettoyer l'Irak des milices safavides » désignant péjorativement les chiites. Entre le radicalisme sunnite et la poigne de fer du Premier ministre, Nouri El Maliki, accusé d'autoritarisme, le « tournant » de Houweijah porte le risque du « mal confessionnel » qui finira par « emporter tout le monde », tel que le reconnaît El Maliki, lors de l'ouverture à Baghdad d'une conférence islamique sur le dialogue. La poudrière présente effectivement les ingrédients d'une crise globale caractérisée par le conflit qui oppose l'Etat central au Kurdistan, les sunnites aux chiites et les chiites de Moqtada Sadr aux partisans de Maliki. Si « l'onde de choc » syrienne a été évoquée par le Premier ministre irakien, les conséquences dramatiques se font nettement sentir. « Il s'agit de la crise la plus profonde et la plus dangereuse (...) depuis 1921 (date de la création de l'Etat irakien) », juge l'ex-conseiller pour la sécurité nationale, Mouffaq El-Roubaie. La situation qui « pourrait mener à un conflit confessionnel, puis à la division », aggravée par les tentatives d'apaisement et de réconciliation rejetées par les chefs de tribu et des personnalités religieuses sunnites, a suscité les inquiétudes de l'émissaire onusien, Martin Klober qui en appelle à la « conscience des dirigeants religieux et politiques qui ne doivent pas laisser la colère l'emporter sur la paix et doivent faire preuve de sagesse ». L'Irak prend feu dans l'indifférence totale de l'Occident.