Sahmaoui s'est montré sous son meilleur jour. Il a fait preuve d'un sacré charisme et a rempli, de son énergie sympathique et communicative, la salle. Avec sa voix chaleureuse et jouant tantôt du ngoni, tantôt de la mandole, Sahmaoui était accompagné de cinq musiciens de University of Gnawa, leurs instruments autant traditionnels que modernes : Hervé Samb à la guitare, Cheikh Diallo (kora, claviers), Alune Wade (basse), Adhil Mirghani (percussions), Mamoune Dehane (calebasse). Le groupe fusionne les genres, une musique engagée et libre où le chaâbi marocain et le gnawi se frottent au jazz et au blues. Une soirée qui ne fut pas de tout repos pour Université of Gnawa. Le public lui ne résiste que quelques minutes avant d'être entrainé puis captivé par les rythmes dansants des musiciens. L'ambiance monte encore d'un cran avec « Alf Hilat ». Ce titre qui passe en boucle dans les radios nationales est repris en chœur par les fans. L'ex-membre fondateur de l'ONB crée la surprise et appelle le violoniste algérien Kheireddine M'Kachiche à venir sur scène, ce dernier intègre sans complexe aucun le groupe des six musiciens. « Nous n'avons jamais joué ensemble mais Kheireddine est superbe. Il est dans cet espace et il est de cette graine de musiciens qui va de l'avant », déclare Aziz Sahmaoui lors de sa conférence de presse. Le résultat est d'une efficacité telle qu'il est impossible pour chacun de rester immobile, les rythmes gnawi envahissent le corps et ont pour effet de galvaniser la foule. Aziz Sahmaoui reprend principalement les titres de son album solo sorti en 2011 : « Meskina », « Kahina », « Maktoub », « Salabati » ou « Tamtamaki ». Ses textes évoquent la vie, les injustices sociales ou le calvaire des artistes. Pour remercier ses nombreux fans qui étaient en effervescence, Sahmaoui chante un magnifique morceau qu'il vient de composer « Khat El Ma » qui figurera dans son prochain album dont la date de sortie est prévue pour août prochain. « J'imagine m'envoler. Je prie et demande au vent d'emporter les nuages vers les terres arides de notre désert. C'est une manière de dire, il faut creuser les puits », nous explique Aziz Sahmaoui. L'enfant de Marrakech a énormément apprécié son passage à Dimajazz et la réaction du public : « C'est une immense joie, un plaisir que l'on cherche et qu'on aimerait garder comme remède. Le sourire des gens est agréable, on s'envole et on rejoint les nuages lorsqu'on voit le public réagir à notre musique. Le Dimajazz est un espace merveilleux, bien fait. » Sahmaoui n'est pas contre un retour à l'ONB, mais, pour le moment, il préfère parler de son projet avec University of Gnawa : « L'ONB ? Pourquoi pas. Mais il ne faut pas réduire le circuit. Je renouvelle ma musique à travers d'autres cultures, l'échange est important. Avec mes amis sénégalais, c'est le même code, il y a le travail, mais on s'amuse aussi. Mes influences sont de la musique algérienne, marocaine ou sénégalaise, c'est de la recherche, ma musique émane des cultures africaines. Après, il y a le rock et le jazz, et j'essaye de trouver un équilibre. » Concernant enfin son prochain album prévu pour cet été, une chose est sûre, il gardera la même équipe. « C'est en cours, beaucoup de chansons sont programmées, mais la chose la plus importante, c'est qu'il y aura ce souci de bien faire. En plus de Water line (Khat El Ma), il y a un autre sujet que j'aurais aimé aborder ce soir qui est le jasmin : ça parle du printemps arabe qu'on attend encore, je ne vois ni fleurs, ni gazon, ni joie. » En deuxième partie de la soirée de mercredi dernier, le public a pu découvrir un pianiste hors normes qualifié de « pianiste le plus complet au monde » par Jazz Magazine. A 72 ans, le Cubain Chucho Valdes est toujours élégant et intrigue. Une star mondiale. Le premier à avoir gagné un prix Grammy en 1980 et en 2006 il fut nommé ambassadeur de bonne volonté de l'ONU pour l'alimentation et l'agriculture. Au fur et à mesure de son concert, l'ambiance s'installe et le public commence à saisir sa musique. Accompagné d'un contrebassiste et d'un batteur, l'homme est un cas à part dans le monde. Il fait partie de cette catégorie des grands mélangeant allègrement jazz latin et musique cubaine. Rien à voir avec la première partie de soirée, une ambiance soft lounge aux rythmes latinos. Valdes a tout de même su « réveiller » le public lorsqu'il fit appel à Aziz Sahmaoui pour venir le rejoindre, offrant une magnifique improvisation entre jazz et gnawi. Une soirée unique !