En définitive, le parti majoritaire Ennahda a sauté le pas. Si le passage à l'acte inéluctable de Chaâmbi et du Kef a officiellement consacré la menace terroriste, le défi de Kairouan a révélé au grand jour le visage du mouvement salafiste Ansar Charia, que le Premier ministre tunisien, Ali Larayedh, accuse d'être impliqué dans « le terrorisme ». L'ère des ambiguités est donc révolue. Voici venir le temps des certitudes qui, par delà les faux alibis du mal venu d'ailleurs et les louvoiements de toutes sortes, fondent les responsabilités politiques et historiques de la nouvelle Tunisie, menacée dans ses attributs essentiels : la légitimité de l'Etat en refondation, la liberté chèrement acquise en danger de prosélytisme et la sacro sainte paix civile. De Doha, le Premier ministre tunisien a lancé le combat contre un mouvement qualifié de « terroriste » en guerre contre le gouvernement islamiste d'Ennahda et bravant toute forme d'autorité. « Nous allons faire face (aux partisans d'Ansar Charia) avec une extrême fermeté, mais dans le cadre de la loi. Nous serons inflexibles », a déclaré Larayedh au journal arabe al-Hayat. Le défi de Kairouan a marqué la rupture sanglante de ce que le leader en fuite d'Ansar Charia, impliqué dans l'attaque de l'ambassade américaine à Tunis, a qualifié de « pacte » : les heurts dans le bastion Ettadhamoun de Tunis ont provoqué la mort d'un manifestant et 18 blessés dont 15 policiers, selon le bilan établi par le ministère de l'Intérieur, alors que près de 200 personnes ont été arrêtées. La menace interne est donc évaluée à sa juste nuisance. La main de fer du gouvernement a levé toute forme d'ambiguïté dans ses relations, jugées ambivalentes, avec le mouvement reconnu « terroriste ». Cette position ferme a consolidé le consensus exprimé par la classe politique, la société civile et la famille des humanitaires manifestant, la veille de l'épreuve de force de Kairouan et de la banlieue de Tunis, son refus du terrorisme. Dans le camp laïc, le satisfecit est total. Le PR (Parti républicain), réputé pour son opposition au mouvement Ennahda au pouvoir, a salué « la décision du ministère de l'Intérieur d'imposer le respect de la loi et de l'Etat », tout en appelant à « une stratégie nationale pour faire face à l'intégrisme et au terrorisme ». L'enjeu vaut la bataille des idéaux de liberté et démocratie pour lesquels la société tunisienne, toutes catégories confondues, a consenti de lourds sacrifices.