Prévu aujourd'hui, dans la ville de Kairouan, le congrès auquel a appelé le groupe extrémiste Ansar Al Chariaa alimente les craintes en Tunisie quant à «un affrontement dont on ne connaît pas les conséquences». Tandis que les autorités tunisiennes ont réitéré vendredi leur refus d'autoriser la tenue de ce congrès, «Ansar Al Chariaa maintient son organisation et avertit contre «tout dérapage». L'affrontement verbal a déjà commencé. Un éventuel face-à-face entre les forces de sécurité tunisiennes et les salafistes d'Ansar Al Chariaa pourrait être à l'origine de violents affrontements qui compliqueraient davantage la situation sécuritaire et compromettrait le processus de transition démocratique. Le ministère tunisien de l'Intérieur a estimé, dans un communiqué, que «tout rassemblement non autorisé constitue une transgression à loi, tout comme il représente une violation criante des institutions de l'Etat et une menace pour la stabilité et l'ordre public». Ansar Al Chariaa, de son côté, annonce qu'il n'a pas déposé de demande d'autorisation pour la tenue de son congrès et qu'il n'a «pas besoin de ce document». Un important dispositif de sécurité a été déployé dans la ville de Kairouan et, selon des sources informées, plusieurs partisans de la mouvance salafiste ont été empêchés d'accéder à la ville pour prendre part au congrès. Ansar Al Chariaa, considéré comme étant un «groupe extrême qui ne reconnaît ni l'Etat tunisien ni ses institutions», avait affiché sa détermination à organiser son 3e congrès «en présence de quelque 40 000 participants». Le ministre de l'Intérieur, Lotfi Benjeddou, avait affirmé que son département allait prendre toutes les mesures «à même de préserver l'autorité de l'Etat» et déployer des dispositifs sécuritaires sur tout le territoire tunisien pour faire face aux «menaces de Ansar Al Chariaa» qui n'estime «pas nécessaire» le fait d'obtenir une autorisation pour la tenue de son congrès. Selon un communiqué du ministère de l'Intérieur, un individu a été arrêté à Kairouan en possession d'armes et de munitions. Après interrogatoire, il a avoué avoir l'intention de s'attaquer aux forces de l'ordre et aux locaux de la police et de l'armée. Menace de «guerre» Le gouvernement tunisien formé par une majorité issue du parti Ennahda, dirigé par El Ghannouchi, risquerait de se retrouver en confrontation avec les salafistes d'Ansar Al Chariaa accusés d'être derrière les atteintes aux libertés individuelles et collectives en Tunisie. Le même gouvernement semble être dans l'embarras puisque, également, accusé par l'opposition tunisienne d'être «indulgent» avec les salafistes, auteurs de ces dépassements. La semaine dernière, le chef d'Ansar Al Chariaa, Saïf Allah Bin Hussein dit Abou Iyadh, un vétéran d'Afghanistan ayant combattu avec Al Qaïda, avait déjà menacé de «guerre» le gouvernement et accusé Ennahda de mener une politique contraire à l'Islam, est-il rappelé. Les journaux tunisiens exprimaient hier leur crainte de voir le pays entrer dans une spirale de violences entre forces de sécurité et militants salafistes décidés à tenir «aujourd'hui leur congrès malgré son interdiction». Le quotidien tunisien Le Temps s'inquiète ainsi des «40 000 illuminés» qui veulent aller à Kairouan pour participer au rassemblement du principal mouvement salafiste djihadiste du pays. Pour ce journal, les militants de cette organisation extrémiste «se réservant le paradis et allumant les bûchers de l'enfer pour tous les autres». «La seule parade possible ne réside qu'en la force des institutions sécuritaires et en le refus de la société tunisienne de ces groupuscules», note ce journal. La Presse, un autre journal tunisien, relève de son côté qu'en décidant de défier l'interdiction du congrès exprimée par le gouvernement, les salafistes ont démontré qu'ils sont «déterminés à entrer en confrontation avec le pouvoir à un moment où le peuple tunisien tout entier tente de cimenter son union nationale face au terrorisme international». Ce quotidien voit dans le rassemblement «une provocation qui sonne comme un appel à la révolte de tous les extrémistes et fauteurs de troubles». Les forces de sécurité et l'armée tunisiennes pourchassent depuis fin avril des groupes armés retranchés dans l'ouest du pays, près des frontières avec l'Algérie, qui a renforcé les mesures de sécurité pour parer à toute éventualité face aux éventuelles tentatives des djihadistes d'accéder en territoire algérien.